Éternels Éclairs


Un Sérail

J'ai mon sérail comme un prince d'Asie,
Riche en beautés pour un immense amour ;
Je leur souris selon ma fantaisie :
J'aime éternellement la dernière choisie,
Et je les choisis tour à tour.

Ce ne sont pas ces esclaves traîtresses
Que l'Orient berce dans la langueur ;
Ce ne sont pas de vénales maltresses :
C'est un vierge harem d'amantes sans caresses,
Car mon harem est dans mon coeur.

N'y cherchez point les boîtes parfumées,
Ni la guitare aux soupirs frémissants ;
Chants et parfums ne sont qu'air et fumées :
C'est ma jeunesse même, ô douces bien aimées,
Que je vous brûle pour encens !

Les gardiens noirs que le soupçon dévore
Selon mes voeux ne vous cacheraient pas ;
Ma jalousie est plus farouche encore :
Elle est toute en mon âme, et le vent même ignore
Les noms que je lui dis tout bas.

— Sully Prudhomme,
Stances Et Poèmes

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