Éternels Éclairs

Barbara

Rappelle-toi Barbara Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là Et tu marchais souriante Épanouie ravie ruisselante Sous la pluie Rappelle-toi Barbara Il pleuvait sans cesse sur Brest Et je t'ai croisée rue de Siam Tu souriais Et moi je souriais de même Rappelle-toi Barbara Toi que je ne connaissais pas Toi qui ne me connaissais pas Rappelle-toi Rappelle-toi quand même ce jour-là N'oublie pas Un homme sous un porche s'abritait Et il a crié ton nom Barbara Et tu as couru vers lui sous la pluie Ruisselante ravie épanouie Et tu t'es jetée dans ses bras Rappelle-toi cela Barbara Et ne m'en veux pas si je te tutoie Je dis tu à tous ceux que j'aime Même si je ne les ai vus qu'une seule fois Je dis tu à tous ceux qui s'aiment Même si je ne les connais pas Rappelle-toi Barbara N'oublie pas Cette pluie sage et heureuse Sur ton visage heureux Sur cette ville heureuse Cette pluie sur la mer Sur l'arsenal Sur le bateau d'Ouessant Oh Barbara Quelle connerie la guerre Qu'es-tu devenue maintenant Sous cette pluie de fer De feu d'acier de sang Et celui qui te serrait dans ses bras Amoureusement Est-il mort disparu ou bien encore vivant Oh Barbara Il pleut sans cesse sur Brest Comme il pleuvait avant Mais ce n'est plus pareil et tout est abîmé C'est une pluie de deuil terrible et désolée Ce n'est même plus l'orage De fer d'acier de sang Tout simplement des nuages Qui crèvent comme des chiens Des chiens qui disparaissent Au fil de l'eau sur Brest Et vont pourrir au loin Au loin très loin de Brest Dont il ne reste rien

— Jacques Prévert (1900-1977)
Paroles

Cent mille hommes

Cent mille hommes, criblés d'obus et de mitraille, Cent mille hommes, couchés sur un champ de bataille, Tombés pour leur pays par leur mort agrandi, Comme on tombe à Fleurus, comme on tombe à Lodi, Cent mille ardents soldats, héros et non victimes, Morts dans un tourbillon d'évènements sublimes, D'où prend son vol la fière et blanche Liberté, Sont un malheur moins grand pour la société, Sont pour l'humanité, qui sur le vrai se fonde, Une calamité moins haute et moins profonde, Un coup moins lamentable et moins infortuné Qu'un innocent, - un seul innocent condamné, - Dont le sang, ruisselant sous un infâme glaive, Fume entre les pavés de la place de Grève, Qu'un juste assassiné dans la forêt des lois, Et dont l'âme a le droit d'aller dire à Dieu : Vois !

— Victor Hugo (1802-1885)
Les quatre vents de l'esprit

Cher Frère Blanc

Cher Frère Blanc Quand je suis né, j'étais noir, Quand j'ai grandi, j'étais noir, Quand je suis au soleil, je suis noir, Quand je suis malade, je suis noir, Quand je mourrai, je serai noir. Tandis que toi, homme blanc, Quand tu es né, tu étais rose, Quand tu as grandi, tu étais blanc, Quand tu vas au soleil, tu es rouge, Quand tu as froid, tu es bleu, Quand tu as peur, tu es vert, Quand tu es malade, tu es jaune, Quand tu mourras, tu seras gris. Alors, de nous deux, Qui est l'homme de couleur ?

— Auteur non communiqué
Non communiqué

Depuis six mille ans la guerre

Depuis six mille ans la guerre Plait aux peuples querelleurs, Et Dieu perd son temps à faire Les étoiles et les fleurs. Les conseils du ciel immense, Du lys pur, du nid doré, N'ôtent aucune démence Du coeur de l'homme effaré. Les carnages, les victoires, Voilà notre grand amour ; Et les multitudes noires Ont pour grelot le tambour. La gloire, sous ses chimères Et sous ses chars triomphants, Met toutes les pauvres mères Et tous les petits enfants. Notre bonheur est farouche ; C'est de dire : Allons ! mourons ! Et c'est d'avoir à la bouche La salive des clairons. L'acier luit, les bivouacs fument ; Pâles, nous nous déchaînons ; Les sombres âmes s'allument Aux lumières des canons. Et cela pour des altesses Qui, vous à peine enterrés, Se feront des politesses Pendant que vous pourrirez, Et que, dans le champ funeste, Les chacals et les oiseaux, Hideux, iront voir s'il reste De la chair après vos os ! Aucun peuple ne tolère Qu'un autre vive à côté ; Et l'on souffle la colère Dans notre imbécillité. C'est un Russe ! Egorge, assomme. Un Croate ! Feu roulant. C'est juste. Pourquoi cet homme Avait-il un habit blanc ? Celui-ci, je le supprime Et m'en vais, le coeur serein, Puisqu'il a commis le crime De naître à droite du Rhin. Rosbach ! Waterloo ! Vengeance ! L'homme, ivre d'un affreux bruit, N'a plus d'autre intelligence Que le massacre et la nuit. On pourrait boire aux fontaines, Prier dans l'ombre à genoux, Aimer, songer sous les chênes ; Tuer son frère est plus doux. On se hache, on se harponne, On court par monts et par vaux ; L'épouvante se cramponne Du poing aux crins des chevaux. Et l'aube est là sur la plaine ! Oh ! j'admire, en vérité, Qu'on puisse avoir de la haine Quand l'alouette a chanté.

— Victor Hugo (1802-1885)
Les chansons des rues et des bois

Envie de me révolter

Riches et célèbres Ils ont tout Mais ne se possèdent plus. Pauvres et inconnus Ils n’ont rien Qu’eux même pour survivre. Tant de gens misérables, D’inégalités insupportables, Société impitoyable !

— Stéphen Moysan
J'écris mes silences

Ils condamnent leur liberté

Ils condamnent leur liberté Avec le sourire de la trahison Toujours ils vont s’agenouiller Au temple en ruine de la raison Que peuvent-ils encore espérer À se soumettre de cette façon Les hommes comme prisonniers De leurs pensées sans horizon.

— Stéphen Moysan
La mort du romantique

L'affiche rouge

Vous n'avez réclamé ni gloire ni les larmes Ni l'orgue ni la prière aux agonisants Onze ans déjà que cela passe vite onze ans Vous vous étiez servis simplement de vos armes La mort n'éblouit pas les yeux des Partisans Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants L'affiche qui semblait une tache de sang Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles Y cherchait un effet de peur sur les passants Nul ne semblait vous voir Français de préférence Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant Mais à l'heure du couvre-feu des doigts errants Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE Et les mornes matins en étaient différents Tout avait la couleur uniforme du givre A la fin février pour vos derniers moments Et c'est alors que l'un de vous dit calmement Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses Adieu la vie adieu la lumière et le vent Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses Quand tout sera fini plus tard en Erivan Un grand soleil d'hiver éclaire la colline Que la nature est belle et que le cœur me fend La justice viendra sur nos pas triomphants Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline Et je te dis de vivre et d'avoir un enfant Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent Vingt et trois qui donnaient le cœur avant le temps Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant

— Louis Aragon (1897 -1982)
Le Roman inachevé

L'Avis

La nuit qui précéda sa mort Fut la plus courte de sa vie L'idée qu'il existait encore Lui brûlait le sang aux poignets Le poids de son corps l'écoeurait Sa force le faisait gémir C'est tout au fond de cette horreur Qu'il a commencé à sourire Il n'avait pas UN camarade Mais des millions et des millions Pour le venger il le savait Et le jour se leva pour lui.

— Paul Eluard (1895-1952)
Au rendez-vous allemand

L’Évadé

Il a dévalé la colline Ses pieds faisaient rouler des pierres Là-haut, entre les quatre murs La sirène chantait sans joie Il respirait l'odeur des arbres De tout son corps comme une forge La lumière l'accompagnait Et lui faisait danser son ombre Pourvu qu'ils me laissent le temps Il sautait à travers les herbes Il a cueilli deux feuilles jaunes Gorgées de sève et de soleil Les canons d'acier bleu crachaient De courtes flammes de feu sec Pourvu qu'ils me laissent le temps Il est arrivé près de l'eau Il y a plongé son visage Il riait de joie, il a bu Pourvu qu'ils me laissent le temps Il s'est relevé pour sauter Pourvu qu'ils me laissent le temps Une abeille de cuivre chaud L'a foudroyé sur l'autre rive Le sang et l'eau se sont mêlés Il avait eu le temps de voir Le temps de boire à ce ruisseau Le temps de porter à sa bouche Deux feuilles gorgées de soleil Le temps de rire aux assassins Le temps d'atteindre l'autre rive Le temps de courir vers la femme Il avait eu le temps de vivre.

— Boris Vian (1920-1959)
Chansons et poèmes

La Rose et le Réséda

Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Tous deux adoraient la belle Prisonnière des soldats Lequel montait à l'échelle Et lequel guettait en bas Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Qu'importe comment s'appelle Cette clarté sur leur pas Que l'un fut de la chapelle Et l'autre s'y dérobât Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Tous les deux étaient fidèles Des lèvres du coeur des bras Et tous les deux disaient qu'elle Vive et qui vivra verra Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Quand les blés sont sous la grêle Fou qui fait le délicat Fou qui songe à ses querelles Au coeur du commun combat Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Du haut de la citadelle La sentinelle tira Par deux fois et l'un chancelle L'autre tombe qui mourra Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Ils sont en prison Lequel A le plus triste grabat Lequel plus que l'autre gèle Lequel préfère les rats Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Un rebelle est un rebelle Deux sanglots font un seul glas Et quand vient l'aube cruelle Passent de vie à trépas Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Répétant le nom de celle Qu'aucun des deux ne trompa Et leur sang rouge ruisselle Même couleur même éclat Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Il coule il coule il se mêle À la terre qu'il aima Pour qu'à la saison nouvelle Mûrisse un raisin muscat Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas L'un court et l'autre a des ailes De Bretagne ou du Jura Et framboise ou mirabelle Le grillon rechantera Dites flûte ou violoncelle Le double amour qui brûla L'alouette et l'hirondelle La rose et le réséda

— Louis Aragon (1897-1982)
La Diane française

Le chant des partisans

Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu'on enchaîne Ohé, partisans, ouvriers et paysans c'est l'alarme Ce soir l'ennemi connaîtra le prix du sang et des larmes... Montez de la mine, descendez des collines, camarades, Sortez de la paille les fusils, la mitraille, les grenades, Ohé, les tueurs, à vos armes et vos couteaux, tirez vite, Ohé, saboteurs, attention à ton fardeau, dynamite.. C'est nous qui brisons les barreaux des prisons pour nos frères La haine à nos trousses et la faim qui nous pousse, la misère II y a des pays où les gens au creux des lits font des rêves Ici, nous, vois-tu, nous on marche, nous on tue ou on crève. Ici, chacun sait ce qu'il veut, ce qu'il fait quand il passe Ami, si tu tombes, un ami sort de l'ombre à ta place, Demain du sang noir séchera au grand soleil sur nos routes Chantez, compagnons, dans la nuit la liberté nous écoute... Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu'on enchaîne Ami, entends-tu le vol noir du corbeau sur la plaine

— Anna Marly (1917-2006)
Chanson

Le Déserteur

Monsieur le président Je vous fais une lettre Que vous lirez peut-être Si vous avez le temps. Je viens de recevoir Mes papiers militaires Pour partir à la guerre Avant mercredi soir. Monsieur le président Je ne veux pas la faire Je ne suis pas sur terre Pour tuer de pauvres gens. C'est pas pour vous fâcher, Il faut que je vous dise, Ma décision est prise, Je m'en vais déserter. Depuis que je suis né, J'ai vu mourir mon père, J'ai vu partir mes frères Et pleurer mes enfants. Ma mère a tant souffert Qu'elle est dedans sa tombe Et se moque des bombes Et se moque des vers. Quand j'étais prisonnier, On m'a volé ma femme, On m'a volé mon âme, Et tout mon cher passé. Demain de bon matin Je fermerai ma porte Au nez des années mortes, J'irai sur les chemins. Je mendierai ma vie Sur les routes de France, De Bretagne en Provence Et je crierai aux gens: «Refusez d'obéir, Refusez de la faire, N'allez pas à la guerre, Refusez de partir.» S'il faut donner son sang, Allez donner le vôtre, Vous êtes bon apôtre Monsieur le président. Si vous me poursuivez, Prévenez vos gendarmes Que j'emporte des armes Et que je sais tirer. * * Fin original avant d'être censurée.

— Boris Vian (1920-1959)
Chanson 1954

Le dormeur du val

C'est un trou de verdure où chante une rivière Accrochant follement aux herbes des haillons D'argent ; où le soleil, de la montagne fière, Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons. Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue, Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu, Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue, Pâle dans son lit vert où la lumière pleut. Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme Sourirait un enfant malade, il fait un somme : Nature, berce-le chaudement : il a froid. Les parfums ne font pas frissonner sa narine ; Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

— Arthur Rimbaud (1854-1891)
Poésies

Le temps perdu

Devant la porte de l'usine le travailleur soudain s'arrête le beau temps l'a tiré par la veste et comme il se retourne et regarde le soleil tout rouge tout rond souriant dans son ciel de plomb il cligne de l'œil familièrement Dis donc camarade Soleil tu ne trouves pas que c'est plutôt con de donner une journée pareille à un patron ?

— Jacques Prévert (1900-1977)
Paroles

Liberté

Sur mes cahiers d'écolier Sur mon pupitre et les arbres Sur le sable sur la neige J'écris ton nom Sur toutes les pages lues Sur toutes les pages blanches Pierre sang papier ou cendre J'écris ton nom Sur la jungle et le désert Sur les nids et les genêts Sur l'écho de mon enfance J'écris ton nom Sur les merveilles des nuits Sur le pain blanc des journées Sur les saisons fiancées J'écris ton nom Sur tous mes chiffons d'azur Sur l'étang soleil moisi Sur le lac lune vivante J'écris ton nom Sur les champs sur l'horizon Sur les ailes des oiseaux Et sur le moulin des ombres J'écris ton nom Sur chaque bouffée d'aurore Sur la mer sur les bateaux Sur la montagne démente J'écris ton nom Sur la mousse des nuages Sur les sueurs de l'orage Sur la pluie épaisse et fade J'écris ton nom Sur les formes scintillantes Sur les cloches des couleurs Sur la vérité physique J'écris ton nom Sur les sentiers éveillés Sur les routes déployées Sur les places qui débordent J'écris ton nom ... Sur la lampe qui s'allume Sur la lampe qui s'éteint Sur mes mains réunies J'écris ton nom Sur le fruit coupé en deux Du miroir de ma chambre Sur mon lit coquille vide J'écris ton nom Sur mon chien gourmand et tendre Sur ses oreilles dressées Sur sa patte maladroite J'écris ton nom Sur le tremplin de ma porte Sur les objets familiers Sur le flot du feu béni J'écris ton nom Sur toute chair accordée Sur le front de mes amis Sur chaque main qui se tend J'écris ton nom Sur la vitre des surprises Sur les lèvres attentives Bien au-dessus du silence J'écris ton nom Sur mes refuges détruits Sur mes phares écroulés Sur les murs de mon ennui J'écris ton nom Sur l'absence sans désir Sur la solitude nue Sur les marches de la mort J'écris ton nom Sur la santé revenue Sur le risque disparu Sur l'espoir sans souvenir J'écris ton nom Et par le pouvoir d'un mot Je recommence ma vie Je suis né pour te connaître Pour te nommer Liberté…

— Paul Éluard (1895 -1952)
Poésie et Vérité

Melancholia

(extrait) ... Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit ? Ces doux êtres pensifs que la fièvre maigrit ? Ces filles de huit ans qu'on voit cheminer seules ? Ils s'en vont travailler quinze heures sous des meules Ils vont, de l'aube au soir, faire éternellement Dans la même prison le même mouvement. Accroupis sous les dents d'une machine sombre, Monstre hideux qui mâche on ne sait quoi dans l'ombre, Innocents dans un bagne, anges dans un enfer, Ils travaillent. Tout est d'airain, tout est de fer. Jamais on ne s'arrête et jamais on ne joue. Aussi quelle pâleur ! la cendre est sur leur joue. Il fait à peine jour, ils sont déjà bien las. Ils ne comprennent rien à leur destin, hélas ! Ils semblent dire à Dieu : - Petits comme nous sommes, Notre père, voyez ce que nous font les hommes ! Ô servitude infâme imposée à l'enfant ! Rachitisme ! travail dont le souffle étouffant Défait ce qu'a fait Dieu ; qui tue, oeuvre insensée, La beauté sur les fronts, dans les coeurs la pensée, Et qui ferait - c'est là son fruit le plus certain ! - D'Apollon un bossu, de Voltaire un crétin ! Travail mauvais qui prend l'âge tendre en sa serre, Qui produit la richesse en créant la misère, Qui se sert d'un enfant ainsi que d'un outil ! Progrès dont on demande : Où va-t-il ? que veut-il ? Qui brise la jeunesse en fleur ! qui donne, en somme, Une âme à la machine et la retire à l'homme ! Que ce travail, haï des mères, soit maudit ! Maudit comme le vice où l'on s'abâtardit, Maudit comme l'opprobre et comme le blasphème ! Ô Dieu ! qu'il soit maudit au nom du travail même, Au nom du vrai travail, sain, fécond, généreux, Qui fait le peuple libre et qui rend l'homme heureux !

— Victor Hugo (1802-1885)
Les contemplations

Paris, fierté de la nation

Paris, fierté de la nation, Un million d’appartements, Trop peu pour les pauvres. Les temps sont tristes - Dans le gobelet du mendiant Plus de pluie que de pièces. Malheureusement en hiver Nous manquons de chaleur, Même les cœurs sont froids.

— Stéphen Moysan
En route vers l'horizon

Pater Noster

Notre Père qui êtes aux cieux Restez-y Et nous nous resterons sur la terre Qui est quelquefois si jolie Avec ses mystères de New York Et puis ses mystères de Paris Qui valent bien celui de la Trinité Avec son petit canal de l'Ourcq Sa grande muraille de Chine Sa rivière de Morlaix Ses bêtises de Cambrai Avec son Océan Pacifique Et ses deux bassins aux Tuileries Avec ses bons enfants et ses mauvais sujets Avec toutes les merveilles du monde Qui sont là Simplement sur la terre Offertes à tout le monde Éparpillées Émerveillées elles-même d'être de telles merveilles Et qui n'osent se l'avouer Comme une jolie fille nue qui n'ose se montrer Avec les épouvantables malheurs du monde Qui sont légion Avec leurs légionnaires Aves leur tortionnaires Avec les maître de ce monde Les maître avec leurs prêtres leurs traîtres et leurs reîtres Avec les saisons Avec les années Avec les jolies filles et avec les vieux cons Avec la paille de la misère pourrissant dans l'acier des canons

— Jacques Prévert (1900-1977)
Paroles

Quand les nantis volent les démunis

Quand les nantis volent les démunis On appelle ça les affaires, Quand les démunis se défendent On appelle ça la violence. C’est de l’enfer des pauvres Qu’est fait le paradis des riches, Vaincre la misère n’est pas geste de charité, C’est acte de justice.

1-4 Mark Twain : Quand les riches volent les pauvres on appelle ça les affaires, quand les pauvres se défendent
on appelle ça de la violence.
5-6 Victor Hugo
7-8 Nelson Mandela
Mixage poétique : Stéphen Moysan
— Stéphen Moysan
Mixages poétiques

Souvenez-vous du charme

Souvenez-vous du charme De son sourire dans le ciel Avant que rugisse l’alarme Et que l’histoire se rappelle Dans le vacarme des armes À tant pleurer le temps cruel Il n’y a plus que des larmes Sur le visage de l’essentiel.

— Stéphen Moysan
La mort du romantique
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