Éternels Éclairs

A la louange de la Charité

Les Méchants m’ont vanté leurs mensonges frivoles : Mais je n’aime que les paroles De l’éternelle Vérité. Plein du feu divin qui m’inspire, Je consacre aujourd’hui ma Lyre A la céleste Charité. En vain je parlerais le langage des Anges. En vain, mon Dieu, de tes louanges Je remplirais tout l’Univers : Sans amour, ma gloire n’égale Que la gloire de la cymbale, Qui d’un vain bruit frappe les airs. Que sert à mon esprit de percer les abîmes Des mystères les plus sublimes, Et de lire dans l’avenir ? Sans amour, ma science est vaine, Comme le songe, dont à peine Il reste un léger souvenir. Que me sert que ma Foi transporte les montagnes ? Que dans les arides campagnes Les torrents naissent sous mes pas ; Ou que ranimant la poussière Elle rende aux Morts la lumière, Si l’amour ne l’anime pas ? Oui, mon Dieu, quand mes mains de tout mon héritage Aux pauvres feraient le partage ; Quand même pour le nom Chrétien, Bravant les croix les plus infames Je livrerais mon corps aux flammes, Si je n’aime, je ne suis rien. Que je vois de Vertus qui brillent sur ta trace, Charité, fille de la Grâce ! Avec toi marche la Douceur, Que suit avec un air affable La Patience inséparable De la Paix son aimable soeur. Tel que l’Astre du jour écarte les ténèbres De la Nuit compagnes funèbres, Telle tu chasses d’un coup d’oeil L’Envie aux humains si fatale, Et toute la troupe infernale Des Vices enfants de l’Orgueil. Libre d’ambition, simple, et sans artifice, Autant que tu hais l’Injustice, Autant la Vérité te plait. Que peut la Colère farouche Sur un coeur, que jamais ne touche Le soin de son propre intérêt ? Aux faiblesses d’autrui loin d’être inexorable, Toujours d’un voile favorable Tu t’efforces de les couvrir. Quel triomphe manque à ta gloire ? L’amour sait tout vaincre, tout croire, Tout espérer, et tout souffrir. Un jour Dieu cessera d’inspirer des oracles. Le don des langues, les miracles, La science aura son déclin. L’amour, la charité divine Eternelle en son origine Ne connaîtra jamais de fin. Nos clartés ici bas ne sont qu’énigmes sombres, Mais Dieu sans voiles et sans ombres Nous éclairera dans les cieux. Et ce Soleil inaccessible, Comme à ses yeux je suis visible, Se rendra visible à mes yeux. L’amour sur tous les Dons l’emporte avec justice, De notre céleste édifice La Foi vive est le fondement, La sainte Espérance l’élève, L’ardente Charité l’achève, Et l’assure éternellement, Quand pourrai-je t’offrir, ô Charité suprême, Au sein de la lumière même Le Cantique de mes soupirs ; Et toujours brûlant pour ta gloire, Toujours puiser, et toujours boire Dans la source des vrais plaisirs !

— Jean Racine (1639-1699)
Cantiques spirituels

Aux champs

Je me penche attendri sur les bois et les eaux, Rêveur, grand-père aussi des fleurs et des oiseaux ; J’ai la pitié sacrée et profonde des choses ; J’empêche les enfants de maltraiter les roses ; Je dis : N’effarez point la plante et l’animal ; Riez sans faire peur, jouez sans faire mal. Jeanne et Georges, fronts purs, prunelles éblouies, Rayonnent au milieu des fleurs épanouies ; J’erre, sans le troubler, dans tout ce paradis ; Je les entends chanter, je songe, et je me dis Qu’ils sont inattentifs, dans leurs charmants tapages, Au bruit sombre que font en se tournant les pages Du mystérieux livre où le sort est écrit, Et qu’ils sont loin du prêtre et près de Jésus-Christ.

— Victor Hugo (1802-1885)
Toute de La Lyre

Coucher de soleil sous l’équateur

C’était sous l’équateur. Dans la vague apaisé Le char des jours plongeait ses flamboyants essieux, Et la nuit, s’avançant sur la voie embrasée, D’ombre et de paix sereine enveloppait les cieux. Les étoiles s’ouvraient sous un souffle invisible, Et brillaient, fleurs de feu, dans un ciel étouffant. L’Océan, dans son lit tiède, immense, paisible, S’endormait fort et doux et beau comme un enfant. Mais, tel qu’un fol esprit aux ailes vagabondes, Rasant des flots émus le frissonnant azur, Le vent des soirs courait sur les nappes profondes Et, par instants, ridait leur sein tranquille et pur. Et je suivais des yeux cette haleine indécise Se jouant sur l’abîme où dort l’âpre ouragan ; Et j’ai dit : « Dieu permet à la plus faible brise De rider ton front calme, ô terrible Océan ! « Puissant et vaste, il faut la foudre et la tempête Pour soulever ton sein, pour courroucer tes flots ; Et le moindre vent peut, de son aile inquiète, Importuner ton onde et troubler ton repos. « Des passions, poète, il faut aussi l’orage Pour soulever ta muse et ton verbe irrité ; Un souffle peut aussi, dans la paix qui t’ombrage, Troubler ta quiétude et ta sérénité. « Toute vague a son pli, tout bonheur a sa ride. Où trouver le repos, l’oubli, l’apaisement ? Pour cette fleur sans prix notre cœur est aride ! L’inaltérable paix est en Dieu seulement. « Pour moi, je n’irai point demander à la terre Un bonheur qui nous trompe ou qui nous dit adieu ; Mais toujours je mettrai, poète au rêve austère, Mon amour dans la Muse et mon espoir en Dieu ! »

— Auguste Lacaussade (1815-1897)
Poèmes et Paysages

Dans la langue de Dieu

Dans la langue de Dieu La paix est le combat Du pouvoir de l’amour Sur l’amour du pouvoir. Dans le silence des hommes Une vérité est cachée Les soldats de la paix Mieux vaut ne pas s’y fier.

3-4 Jimi Hendrix : Quand le pouvoir de l'amour l'emporte sur l'amour du pouvoir, le monde connaîtra enfin la paix.
Mixage poétique : Stéphen Moysan
— Stéphen Moysan
Mixage poétique

Espoir en dieu

Espère, enfant ! demain ! et puis demain encore ! Et puis toujours demain ! croyons dans l'avenir. Espère ! et chaque fois que se lève l'aurore, Soyons là pour prier comme Dieu pour bénir ! Nos fautes, mon pauvre ange, ont causé nos souffrances. Peut-être qu'en restant bien longtemps à genoux, Quand il aura béni toutes les innocences, Puis tous les repentirs, Dieu finira par nous !

— Victor Hugo (1802-1885)
Les chants du crépuscule

Invocation

Ô mon Seigneur Jésus, enfance vénérable, Je vous aime et vous crains petit et misérable, Car vous êtes le fils de l'amour adorable. Ô mon Seigneur Jésus, adolescent fêté, Mon âme vous contemple avec humilité, Car vous êtes la Grâce en étant la Beauté. Ô mon Seigneur Jésus qu'un vêtement décore, Couleur de la mer calme et couleur de l'aurore, Que le rouge et le bleu vous fleurissent encore ! Ô mon Seigneur Jésus, chaste et doux travailleur, Enseignez-moi la paix du travail le meilleur, Celui du charpentier ou celui du tailleur. Ô mon Seigneur Jésus, semeur de paraboles Qui contiennent l'or clair et vivant des symboles, Prenez mes vers de cuivre ainsi que des oboles. Ô mon Seigneur Jésus, ô convive divin, Qui versez votre sang comme on verse le vin, Que ma faim et ma soif n'appellent pas en vain ! Ô mon Seigneur Jésus, vous qu'en brûlant on nomme, Mort d'amour, dont la mort sans cesse se consomme, Que votre vérité s'allume au coeur de l'homme !

— Germain Nouveau (1851-1920)
La doctrine de l'amour

L’ange

Et puis après, voici un ange, Un ange en blanc, un ange en bleu, Avec sa bouche et ses deux yeux, Et puis après voici un ange, Avec sa longue robe à manches, Son réseau d’or pour ses cheveux, Et ses ailes pliées en deux, Et puis ainsi voici un ange, Et puis aussi étant dimanche, Voici d’abord que doucement Il marche dans le ciel en long Et puis aussi étant dimanche, Voici qu’avec ses mains il prie Pour les enfants dans les prairies, Et qu’avec ses yeux il regarde Ceux de plus près qu’il faut qu’il garde ; Et tout alors étant en paix Chez les hommes et dans la vie, Au monde ainsi de son souhait, Voici qu’avec sa bouche il rit.

— Max Elskamp (1862-1931)
Non renseigné

L'idée de Dieu

Heureux l'oeil éclairé de ce jour sans nuage Qui partout ici-bas le contemple et le lit! Heureux le coeur épris de cette grande image, Toujours vide et trompé si Dieu ne le remplit ! Ah ! pour celui-là seul la nature est son ombre ! En vain le temps se voile et reculent les cieux ! Le ciel n'a point d'abîme et le temps point de nombre Qui le cache à ses yeux ! Pour qui ne l'y voit pas tout est nuit et mystères, Cet alphabet de jeu dans le ciel répandu Est semblable pour eux à ces vains caractères Dont le sens, s'ils en ont, dans les temps s'est perdu ! Le savant sous ses mains les retourne et les brise Et dit : Ce n'est qu'un jeu d'un art capricieux ; Et cent fois en tombant ces lettres qu'il méprise D'elles-même ont écrit le nom mystérieux ! Mais cette langue, en vain par les temps égarée, Se lit hier comme aujourd'hui ; Car elle n'a qu'un nom sous sa lettre sacrée, Lui seul ! lui partout ! toujours lui ! Qu'il est doux pour l'âme qui pense Et flotte dans l'immensité Entre le doute et l'espérance, La lumière et l'obscurité, De voir cette idée éternelle Luire sans cesse au-dessus d'elle Comme une étoile aux feux constants, La consoler sous ses nuages, Et lui montrer les deux rivages Blanchis de l'écume du temps ! En vain les vagues des années Roulent dans leur flux et reflux Les croyances abandonnées Et les empires révolus En vain l'opinion qui lutte Dans son triomphe ou dans sa chute Entraîne un monde à son déclin ; Elle brille sur sa ruine, Et l'histoire qu'elle illumine Ravit son mystère au destin ! Elle est la science du sage, Elle est la foi de la vertu ! Le soutien du faible, et le gage Pour qui le juste a combattu ! En elle la vie a son juge Et l'infortune son refuge, Et la douleur se réjouit. Unique clef du grand mystère, Otez cette idée à la terre Et la raison s'évanouit ! Cependant le monde, qu'oublie L'âme absorbée en son auteur, Accuse sa foi de folie Et lui reproche son bonheur, Pareil à l'oiseau des ténèbres Qui, charmé des lueurs funèbres, Reproche à l'oiseau du matin De croire au jour qui vient d'éclore Et de planer devant l'aurore Enivré du rayon divin ! Mais qu'importe à l'âme qu'inonde Ce jour que rien ne peut voiler ! Elle laisse rouler le monde Sans l'entendre et sans s'y mêler ! Telle une perle de rosée Que fait jaillir l'onde brisée Sur des rochers retentissants, Y sèche pure et virginale, Et seule dans les cieux s'exhale Avec la lumière et l'encens !

— Alphonse de Lamartine (1790-1869)
Harmonies poétiques et religieuses

Sainte Thérèse à Jésus crucifié

Ce qui m'excite à t'aimer, ô mon Dieu, Ce n'est pas l'heureux ciel que mon espoir devance, Ce qui m'excite à t'épargner l'offense, Ce n'est pas l'enfer sombre et l'horreur de son feu ! C'est toi, mon Dieu, toi par ton libre vœu Cloué sur cette croix où t'atteint l'insolence ; C'est ton saint corps sous l'épine et la lance, Où tous les aiguillons de la mort sont en jeu. Voilà ce qui m'éprend, et d'amour si suprême, Ô mon Dieu, que, sans ciel même, je t'aimerais ; Que, même sans enfer, encor je te craindrais ! Tu n'as rien à donner, mon Dieu, pour que je t'aime ; Car, si profond que soit mon espoir, en l'ôtant, Mon amour irait seul, et t'aimerait autant !

— Charles-Augustin Sainte-Beuve (1804-1869)
Pensées d'août

Seigneur, change ma guerre en ta paix

Seigneur, change ma guerre en ta paix éternelle, Échauffe les glaçons de mon cœur endurci, Et fais qu'à l'avenir je n'aie autre souci Qu'à suivre le sentier où ta bonté m'appelle. Dompte les passions de mon âme rebelle Et lave mon esprit de péché tout noirci, Dispense ta lumière à mon œil obscurci Et m'apprends les secrets qu'aux élus tu révèles. Sur toi tant seulement mon espoir j'ai fondé. Si grande est mon erreur, plus grande est ta bonté Qui ne laisse jamais celui qui te réclame. Purge donc mon esprit et le retire à toi, Lui donnant pour voler les ailes de la foi, Sans que l'abus du monde arrête plus mon âme.

— Madeleine de l'Aubespine (1546-1596)
Les chansons de Callianthe
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