Biographie de Paul Verlaine (1844-1896)
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Paul Verlaine - Le résumé de sa vie
Paul-Marie Verlaine : Poète français, né à Metz le 30 mars 1844, mort à Paris le 8 janvier 1896. Originaire d’une famille des Ardennes, fils d’un soldat de Napoléon devenu capitaine du génie, il vint à sept ans à Paris où il fit ses études. En 1862, il entra à la compagnie d’assurances L’Aigle, puis à l’Hôtel de ville comme expéditionnaire. Mais bientôt la vocation poétique s’éveilla en lui ; il commença à fréquenter le groupe des Parnassiens, et en 1866, il publia son premier livre, Poèmes saturniens, qui passa inaperçu. En 1869, il donna les Fêtes galantes, puis, en 1870, La Bonne Chanson, où son talent se dégage déjà de l’école parnassienne. Il épousa alors Mlle Mautet. Compromis pour avoir pendant la Commune donné asile à des amis, il se réfugia à Londres, puis en Belgique. Revenu à Paris, il fit la connaissance d’Arthur Rimbaud qui exerça sur lui une grande influence : les deux poètes allèrent ensemble à Londres (1872), puis à Bruxelles ; à la suite d’une discussion avec Rimbaud, craignant de le voir s’éloigner, Verlaine lui tira deux coups de révolver et fut condamné à deux ans de prison qu’il fit à Mons : c’est là qu’il écrivit les Romances sans paroles (1874), et prépara Sagesse qui témoignait de sa ferveur nouvelle pour la religion catholique. Libéré le 16 janvier 1875, Verlaine rentra en France, où il se retrouva seul ; sa femme, avec laquelle il n’avait pu s’entendre, ayant obtenu le divorce ; il passa alors en Angleterre et professa le français et le dessin jusqu’en 1877. À son retour en France, il fut professeur au collège de Rethel, puis tenta un essai de culture à Coulommes, sans succès (1881). La publication de Sagesse (1881) rendit son nom célèbre. Professeur à Boulogne-sur-Seine, puis à Neuilly, il fait paraître Les Poètes maudits (1884), Jadis et naguère (1884). Ses amis lui étaient revenus et une jeunesse enthousiaste acclamait son génie. La mort de sa mère (juil. 1886) acheva sa ruine, et sa vie misérable de bohême et de gloire commença. Malade, il dut, en 1889, entrer à l’hôpital Broussais ; dès lors, il ne sortit d’un hôpital que pour rentrer dans un autre. Proclamé prince des poètes, il fit jouer un petit acte, Madame Aubin, dans une société de jeunes gens. Sa vie errante et maladive au quartier Latin se prolongea jusqu’au début de 1896, où il mourut presque abandonné. Il a laissé un fils, Georges Verlaine.
Biographie de La grande encyclopédie :
inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts. Présentée par
Stéphen Moysan.
Portrait de Paul Verlaine par Anatole France
« Il surprend, il choque le regard. Il a l'air à la fois farouche et câlin, sauvage et familier. Un
Socrate instinctif, ou mieux, un faune, un satyre, un être à demi brute, à demi dieu, qui effraye
comme une force naturelle qui n'est soumise à aucune loi connue. Oh ! oui, c'est un vagabond,
un vieux vagabond des routes et des faubourgs.
Il fut des nôtres, jadis. Il a été nourri dans une obscurité douce, par une veuve pauvre et de
grande distinction, au fond des paisibles Batignolles. Comme nous tous, il fit ses études dans
quelque lycée et, comme nous tous, il devint bachelier après avoir assez étudié les classiques
pour les bien méconnaître. Et, comme l'instruction mène à tout, il entra ensuite dans un
bureau, dans je ne sais quel bureau de la Ville. En ce temps-là, le baron Haussmann accueillait
largement, sans le savoir, dans les services de la préfecture, les poètes chevelus et les petits
journalistes. On y lisait les Châtiments à haute voix et on y célébrait la peinture de
Manet. Paul Verlaine recopiait ses Poèmes saturniens sur le papier de l'administration.
Ce que j'en dis n'est pas pour le lui reprocher. Dans cette première jeunesse, il vivait à la façon
de François Coppée, d'Albert Mérat, de Léon Valade, de tant d'autres poètes, prisonniers d'un
bureau, qui allaient à la campagne le dimanche. Cette modeste et monotone existence,
favorable au rêve et au travail patient du vers, était celle de la plupart des parnassiens. Seul ou
presque seul dans le cénacle, M. Jose-Maria de Heredia, bien que frustré d'une grande part des
trésors de ses aïeux, les conquistadores, faisait figure de jeune gentleman et fumait
d'excellents cigares. Ses cravates avaient autant d'éclat que ses sonnets. Mais c'est des sonnets
seulement que nous étions jaloux. Tous, nous méprisions sincèrement les biens de la fortune.
Nous n'aimions que la gloire, encore la voulions-nous discrète et presque cachée. Paul
Verlaine était, avec Catulle Mendès, Léon Dierx et François Coppée, un parnassien de la
première heure. Nous avions, je ne sais trop pourquoi, la prétention d'être impassibles. Le
grand philosophe de l'école, M. Xavier de Ricard, soutenait avec ardeur que l'art doit être de
glace, et nous ne nous apercevions même point que ce doctrinaire de l'impassibilité n'écrivait
pas un vers qui ne fût l'expression violente de ses passions politiques, sociales ou religieuses.
Son large front d'apôtre, ses yeux enflammés, sa maigreur ascétique, son éloquence généreuse
ne nous détrompaient pas. C'était le bon temps, le temps où nous n'avions pas le sens
commun ! Depuis, M. de Ricard, irrité de la froideur des Français du Nord, s'est retiré près de
Montpellier, et, de son ermitage du Mas-du-Diable, il répand sur le Languedoc l'ardeur
révolutionnaire qui le dévore. Paul Verlaine prétendait autant que personne à l'impassibilité. Il
se comptait sincèrement parmi ceux qui « cisèlent les mots comme des coupes », et il comptait réduire les bourgeois au silence par cette interrogation triomphante :
« Est-elle en marbre ou non, la Vénus de Milo ? »
Sans doute, elle est en marbre. Mais, pauvre enfant malade, secoué par des frissons
douloureux, tu n'en es pas moins condamné à chanter comme la feuille en tremblant, et tu ne
connaîtras jamais de la vie et du monde que les troubles de ta chair et de ton sang.
Laisse là le marbre symbolique, ami, malheureux ami ; ta destinée est écrite. Tu ne sortiras
pas du monde obscur des sensations, et, te déchirant toi-même dans l'ombre, nous entendrons
ta voix étrange gémir et crier d'en bas, et tu nous étonneras tour à tour par ton cynisme ingénu
et par ton repentir véritable. I nunc anima anceps...
Non certes, les Poèmes saturniens publiés en 1867, le jour même où François Coppée
donnait son Reliquaire, n'annonçaient point le poète le plus singulier, le plus
monstrueux et le plus mystique, le plus compliqué et le plus simple, le plus troublé, le plus
fou, mais à coup sûr le plus inspiré et le plus vrai des poètes contemporains. Pourtant, à
travers les morceaux de facture, et malgré le faire de l'école, on y devinait une espèce de génie
étrange, malheureux et tourmenté. Les connaisseurs y avaient pris garde et M. Émile Zola se
demandait, dit-on, lequel irait le plus loin de Paul Verlaine ou de François Coppée.
Les Fêtes galantes parurent l'année qui suivit. Ce n'était qu'un mince cahier. Mais déjà
Paul Verlaine s'y montrait dans son ingénuité troublante, avec je ne sais quoi de gauche et de
grêle d'un charme inconcevable. Qu'est-ce donc que ces fêtes galantes ? Elles se donnent dans
la Cythère de Watteau. Mais, si l'on va encore au bois par couples, le soir, les lauriers sont
coupés, comme dit la chanson, et les herbes magiques qui ont poussé à la place exhalent une
langueur mortelle.
Verlaine, qui est de ces musiciens qui jouent faux par raffinement, a mis bien des
discordances dans ces airs de menuet, et son violon grince parfois effroyablement, mais
soudain tel coup d'archet vous déchire le cœur. L e méchant ménétrier vous a pris l'âme. Il
vous la prend en jouant, par exemple, le Clair de lune que voici :
« Votre âme est un paysage choisi
Que vont charmant masques et bergamasques
Jouant du luth et dansant et quasi
Tristes sous leurs déguisements fantasques.
Tout en chantant sur le mode mineur,
L'amour vainqueur et la vie opportune,
Ils n'ont pas l'air de croire à leur bonheur,
Et leur chanson se mêle au clair de lune,
Au clair calme de lune triste et beau,
Qui fait rêver les oiseaux dans les arbres
Et sangloter d'extase les jets d'eau,
Les grands jets d'eau sveltes parmi les marbres. »
L'accent était nouveau, singulier, profond.
On l'entendit encore, notre poète, mais à peine cette fois, quand, à la veille de la guerre, trop
près des jours terribles, il disait la Bonne chanson, des vers ingénus, très simples,
obscurs, infiniment doux. Il était fiancé alors, et le plus tendre, le plus chaste des fiancés. Les
satyres et les faunes doivent chanter ainsi lorsqu'ils sont très jeunes, qu'ils ont bu du lait et que
la forêt s'éveille dans l'aube et dans la rosée.
Tout à coup Paul Verlaine disparut. Il fut du poète des Fêtes galantes comme du
compagnon du Vau de Vire dont parle la complainte. On n'ouït plus de ses nouvelles : Il se fit
sur lui un silence de quinze ans ; après quoi on apprit que Verlaine pénitent publiait un
volume de poésies religieuses dans une librairie catholique. Que s'était-il passé pendant ces
quinze années ? je ne sais. Et que sait-on ? L'histoire véritable de François Villon est mal
connue. Et Verlaine ressemble beaucoup à Villon ; ce sont deux, mauvais garçons à qui il fut
donné de dire les plus douces choses du monde. Pour ces quinze années, il faut s'en tenir à la légende
qui dit que notre poète fut un grand pécheur et, pour parler comme le bien regretté Jules
Tellier, un « de ceux que le rêve a conduits à la folie sensuelle ». C'est la légende qui parle.
Elle dit encore que le mauvais garçon fut puni de ses fautes et qu'il les expia cruellement. Et
l’on a voulu donner quelque apparence à la légende en citant ces stances pénitentes d'une
adorable ingénuité :
« Le ciel est par-dessus le toit
Si bleu, si calme !
Un arbre, par-dessus le toit
Berce sa palme.
La cloche, dans le ciel qu'on voit
Doucement tinte
Un oiseau sur l'arbre qu'on voit,
Chante sa plainte.
Mon Dieu, mon Dieu, la vie est là
Simple et tranquille,
Cette paisible rumeur-là
Vient de la ville.
Qu'as-tu fait ô toi que voilà,
Pleurant sans cesse,
Dis, qu'as-tu fait, toi que voilà,
De ta jeunesse ? »
Sans doute ce n'est qu'une légende, mais elle prévaudra. Il le faut. Les vers de ce poète
détestable et charmant perdraient de leur prix et de leur sens s'ils ne venaient pas de cet air
épais, « muet de toute lumière », où le Florentin vit les pécheurs charnels qui soumirent la
raison à la convoitise,
« Que la ragion sommettono al talento. »
Et puis, il faut que la faute soit réelle pour que le repentir soit vrai. Dans son repentir Paul
Verlaine revint au Dieu de son baptême et de sa première communion avec une candeur
entière. Il est tout sens. Il n'a jamais réfléchi, jamais argumenté.
Nulle pensée humaine, rien d'intelligent n'a troublé son idée de Dieu. Nous avons vu que
c'était un faune. Ceux qui ont lu les vies des saints savent avec quelle facilité les faunes, qui
sont très simples, se laissaient convertir au christianisme par les apôtres des gentils. Paul
Verlaine a écrit les vers les plus chrétiens que nous ayons en France. Je ne suis pas le premier
à le découvrir. M. Jules Lemaître disait que telle strophe de Sagesse rappelait par l'accent un
verset de l'Imitation. Le XVIIe siècle, sans doute, a laissé de belles poésies spirituelles.
Corneille, Brébeuf, Godeau se sont inspirés de l'Imitation et des Psaumes.
Mais ils écrivaient dans le goût Louis XIII, qui était un goût trop fier et même quelque peu
capitan et matamore. Comme Polyeucte au temps du Cardinal, leurs poètes pénitents avaient
un chapeau à plumes, des gants à manchettes et une longue cape que la rapière relevait en
queue de coq. Verlaine fut humble naturellement ; la poésie mystique jaillit à flots de son
cœur et il retrouva les accents d'un saint François et d'une sainte Thérèse :
« Je ne veux plus aimer que ma mère Marie.
Car comme j'étais faible et bien méchant encore,
Aux mains lâches, les yeux éblouis des chemins,
Elle baissa mes yeux et me joignit les mains,
Et m'enseigna les mots par lesquels on adore. »
Ou bien encore, ces vers sans rime et pareilles à ces pieux soupirs dont les mystiques vantent
la douceur :
« Ô mon Dieu, vous m'avez blessé d'amour,
Et la blessure est encore vibrante,
Ô mon Dieu, vous m'avez blessé d'amour.
Voici mon front qui n'a pu que rougir,
Pour l'escabeau de vos pieds adorables,
Voici mon front qui n'a pu que rougir.
Voici mes mains qui n'ont pas travaillé,
Pour les charbons ardents et l'encens rare,
Voici mes mains qui n'ont point travaillé,
Voici mon cœur qui n'a battu qu'en vain,
Pour palpiter aux ronces du calvaire,
Voici mon cœur qui n'a battu qu'en vain.
Voici mes pieds, frivoles voyageurs,
Pour accourir au cri de votre grâce,
Voici mes pieds, frivoles voyageurs.
Voici mes yeux, luminaires d'erreur,
Pour être éteints aux pleurs de la prière,
Voici mes yeux, luminaires d'erreur. »
Sincère, bien sincère, cette conversion ! Mais de peu de durée. Comme le chien de l'Écriture, il
retourna bientôt à son vomissement. Et sa rechute lui inspira encore des vers d'une exquise
ingénuité. Alors, que fit-il ? Aussi sincère dans le péché que dans la faute, il en accepta les
alternatives avec une cynique innocence. Il se résigna à goûter tour à tour les blandices du
crime et les affres du désespoir. Bien plus, il les goûta pour ainsi dire ensemble ; il tint les
affaires de son âme en partie double. De là ce recueil singulier de vers intitulé
Parallèlement. Cela est pervers sans doute, mais d'une perversité si naïve, qu'elle
semble presque pardonnable.
Et puis il ne faut pas juger ce poète, comme on juge un homme raisonnable. Il a des droits que
nous n'avons pas parce qu'il est à la fois beaucoup plus et beaucoup moins que nous. Il est
inconscient, et c'est un poète comme il ne s'en rencontre pas un par siècle. M. Jules Lemaître
l'a bien jugé quand il a dit : « C'est un barbare, un sauvage, un enfant... Seulement cet enfant a
une musique dans l'âme et, à certains jours, il entend des voix que nul avant lui n'avait
entendues ...
Il est fou, dites-vous ? je le crois bien. Et si je doutais qu'il le fût, je déchirerais les pages que
je viens d'écrire. Certes, il est fou. Mais prenez garde que ce pauvre insensé a créé un art
nouveau et qu'il y a quelque chance qu'on dise un jour de lui ce qu'on dit aujourd'hui de
François Villon auquel il faut bien le comparer : - « C'était le meilleur poète de son temps ! »
Dans un récit nouvellement traduit par M. E. Jaubert, le comte Tolstoï nous dit l'histoire d'un
pauvre musicien ivrogne et vagabond qui exprime avec son violon tout ce qu'on peut imaginer
du ciel. Après avoir erré toute une nuit d'hiver, le divin misérable tombe mourant dans la
neige. Alors une voix lui dit : « Tu es le meilleur et le plus heureux ». Si j'étais Russe, du moins
si j'étais un saint et un prophète russe, je sens qu'après avoir lu Sagesse je dirais au
pauvre poète aujourd'hui couché dans un lit d'hôpital : « Tu as failli, mais tu as confessé ta
faute. Tu fus un malheureux, mais tu n'as jamais menti. Pauvre Samaritain, à travers ton babil
d'enfant et tes hoquets de malade, il t'a été donné de prononcer des paroles célestes. Nous
sommes des Pharisiens. Tu es le meilleur et le plus heureux. »
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