Éternels Éclairs

Dans l’interminable …

Dans l’interminable Ennui de la plaine, La neige incertaine Luit comme du sable. Le ciel est de cuivre Sans lueur aucune, On croirait voir vivre Et mourir la lune. Comme des nuées Flottent gris les chênes Des forêts prochaines Parmi les buées. Le ciel est de cuivre Sans lueur aucune. On croirait voir vivre Et mourir la lune. Corneille poussive Et vous, les loups maigres, Par ces bises aigres Quoi donc vous arrive ? Dans l’interminable Ennui de la plaine La neige incertaine Luit comme du sable.

— Paul Verlaine (1844-1896)
Romances sans paroles

Décembre

Le hibou parmi les décombres Hurle, et Décembre va finir ; Et le douloureux souvenir Sur ton coeur jette encor ses ombres. Le vol de ces jours que tu nombres, L’aurais-tu voulu retenir ? Combien seront, dans l’avenir, Brillants et purs ; et combien, sombres ? Laisse donc les ans s’épuiser. Que de larmes pour un baiser, Que d’épines pour une rose ! Le temps qui s’écoule fait bien ; Et mourir ne doit être rien, Puisque vivre est si peu de chose.

— François Coppée (1842-1908)
Les mois

En hiver la terre pleure

En hiver la terre pleure ; Le soleil froid, pâle et doux, Vient tard, et part de bonne heure, Ennuyé du rendez-vous. Leurs idylles sont moroses. - Soleil ! aimons ! - Essayons. O terre, où donc sont tes roses ? - Astre, où donc sont tes rayons ? Il prend un prétexte, grêle, Vent, nuage noir ou blanc, Et dit : - C'est la nuit, ma belle ! – Et la fait en s'en allant ; Comme un amant qui retire Chaque jour son coeur du noeud, Et, ne sachant plus que dire, S'en va le plus tôt qu'il peut.

— Victor Hugo (1802-1885)
Les quatre vents de l'esprit

Il fait froid

L’hiver blanchit le dur chemin Tes jours aux méchants sont en proie. La bise mord ta douce main ; La haine souffle sur ta joie. La neige emplit le noir sillon. La lumière est diminuée… Ferme ta porte à l’aquilon ! Ferme ta vitre à la nuée ! Et puis laisse ton coeur ouvert ! Le coeur, c’est la sainte fenêtre. Le soleil de brume est couvert ; Mais Dieu va rayonner peut-être ! Doute du bonheur, fruit mortel ; Doute de l’homme plein d’envie ; Doute du prêtre et de l’autel ; Mais crois à l’amour, ô ma vie ! Crois à l’amour, toujours entier, Toujours brillant sous tous les voiles ! A l’amour, tison du foyer ! A l’amour, rayon des étoiles ! Aime, et ne désespère pas. Dans ton âme, où parfois je passe, Où mes vers chuchotent tout bas, Laisse chaque chose à sa place. La fidélité sans ennui, La paix des vertus élevées, Et l’indulgence pour autrui, Eponge des fautes lavées. Dans ta pensée où tout est beau, Que rien ne tombe ou ne recule. Fais de ton amour ton flambeau. On s’éclaire de ce qui brûle. A ces démons d’inimitié Oppose ta douceur sereine, Et reverse leur en pitié Tout ce qu’ils t’ont vomi de haine. La haine, c’est l’hiver du coeur. Plains-les ! mais garde ton courage. Garde ton sourire vainqueur ; Bel arc-en-ciel, sors de l’orage ! Garde ton amour éternel. L’hiver, l’astre éteint-il sa flamme ? Dieu ne retire rien du ciel ; Ne retire rien de ton âme !

— Victor Hugo (1802-1885)
Les contemplations

L'hiver

Plus de belle campagne, Plus de feuillage vert, L'enfant de la montagne, Hirondelle d'hiver, Chante en la cheminée Où naguère a chanté, Aux beaux jours de l'année, L'hirondelle d'été. Et sur les promenades Plus de charmants bouquets, Plus de douces œillades, De manèges coquets, Là-bas, sous les grands ormes, Où venaient tous les soirs, Femmes aux blanches formes, Aux épais cheveux noirs. Or, que faire en sa chambre Quand, sur ses traits maigris, Le soleil de décembre Met son capuchon gris ! Il faut se mettre à l'aise, Commodément assis, Et, les pieds dans la braise, S'endormir sans soucis. Ou bien si d'aventure On a le cœur épris Pour une créature Qui ne soit pas sans prix, Il fait bon, il me semble, La prendre dans ses bras, Et tous les deux ensemble, Se mettre entre deux draps.

— François-Marie Robert-Dutertre (1815-1898)
Les loisirs lyriques

La neige

Regardez la neige qui danse Derrière le carreau fermé. Qui là-haut peut bien s'amuser A déchirer le ciel immense En petits morceaux de papier ?

— Pernette Chaponnière (1915-2008)
L'Écharpe d'Iris

Noël

Le ciel est noir, la terre est blanche ; – Cloches, carillonnez gaîment ! – Jésus est né ; – la Vierge penche Sur lui son visage charmant. Pas de courtines festonnées Pour préserver l’enfant du froid ; Rien que les toiles d’araignées Qui pendent des poutres du toit. Il tremble sur la paille fraîche, Ce cher petit enfant Jésus, Et pour l’échauffer dans sa crèche L’âne et le boeuf soufflent dessus. La neige au chaume coud ses franges, Mais sur le toit s’ouvre le ciel Et, tout en blanc, le choeur des anges Chante aux bergers : « Noël ! Noël ! »

— Théophile Gautier (1811-1872)
Emaux et camées

Nuit de neige

La grande plaine est blanche, immobile et sans voix. Pas un bruit, pas un son ; toute vie est éteinte. Mais on entend parfois, comme une morne plainte, Quelque chien sans abri qui hurle au coin d’un bois. Plus de chansons dans l’air, sous nos pieds plus de chaumes. L’hiver s’est abattu sur toute floraison ; Des arbres dépouillés dressent à l’horizon Leurs squelettes blanchis ainsi que des fantômes. La lune est large et pâle et semble se hâter. On dirait qu’elle a froid dans le grand ciel austère. De son morne regard elle parcourt la terre, Et, voyant tout désert, s’empresse à nous quitter. Et froids tombent sur nous les rayons qu’elle darde, Fantastiques lueurs qu’elle s’en va semant ; Et la neige s’éclaire au loin, sinistrement, Aux étranges reflets de la clarté blafarde. Oh ! la terrible nuit pour les petits oiseaux ! Un vent glacé frissonne et court par les allées ; Eux, n’ayant plus l’asile ombragé des berceaux, Ne peuvent pas dormir sur leurs pattes gelées. Dans les grands arbres nus que couvre le verglas Ils sont là, tout tremblants, sans rien qui les protège ; De leur oeil inquiet ils regardent la neige, Attendant jusqu’au jour la nuit qui ne vient pas.

— Guy de Maupassant (1850-1893)
Des vers

Poésie urbaine

Paris, fierté de la nation, Un million d’appartements, Trop peu pour les pauvres. Les temps sont tristes - Dans le gobelet du mendiant Plus de pluie que de pièces. Malheureusement en hiver Nous manquons de chaleur, Même les cœurs sont froids.

— Stéphen Moysan
En route vers l'Horizon
}