« Mon cher ami, j’ai d’abord dévoré votre volume d’un bout à l’autre, comme une cuisinière fait
d’un feuilleton, et maintenant, depuis huit jours, je le relis, vers à vers, mot à mot et, franchement,
cela me plaît et m’enchante. Vous avez trouvé le moyen de rajeunir le romantisme. Vous ne ressemblez
à personne (ce qui est la première de toutes les qualités). L’originalité du style découle de la conception.
La phrase est toute bourrée par l’idée, à en craquer. J’aime votre âpreté, avec ses délicatesses de langage,
qui la font valoir comme des damasquinures sur une lame fine. Quant aux critiques, je ne vous en fais
aucune, parce que je ne suis pas sûr de les penser moi-même, dans un quart d’heure. J’ai, en un mot,
peur de dire des inepties, dont j’aurais un remords immédiat. Quand je vous reverrai cet hiver, à Paris,
je vous poserai seulement, sous forme dubitative et modeste, quelques questions.
En résumé, ce qui me plaît avant tout dans votre livre, c’est que l’Art y prédomine. Et puis vous chantez
la chair sans l’aimer, d’une façon triste et détachée qui m’est sympathique. Vous êtes résistant comme
le marbre et pénétrant comme un brouillard d’Angleterre. Encore une fois, mille remerciements du cadeau. »
— Hippolyte Taine