Éternels Éclairs

Florilège de Poèmes
de Paul Jeanzé


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Par Stéphen Moysan

Attention des droits d'auteurs, que nous ne possèdons pas, protègent la majorité des oeuvres ici présentes.

I

Une tranche de vie Deux tranches de pain Qu’en restera-t-il sinon quelques miettes ?

— Paul Jeanzé
Une courte saison

Ceci n’est pas un poème

Ceci n’est pas une pipe Vous voyez le tableau ? Ceci est une pomme Là en revanche Ne la cherchez pas sur cette esquisse Un peintre pique-assiette Rechignant à dépeindre la réalité L’engloutit un jour dans son gosier Le poète amusé de cette toile de fond Bourra une pipe avec le papier qu’il avait sous le nez Voilà comment certains chefs-d’œuvre finissent par partir en fumée

— Paul Jeanzé
La saison désamour

Comme elle est

L’augmentation augmentera La diminution diminuera Le changement changera L’évolution évoluera La réforme réformera Le progrès progressera La révolution révolutionnera La tradition traditionnellera Ah non… La tradition reste comme elle est

— Paul Jeanzé
la saison désamour

Exercice de géométrie variable

Sur une route parallèle Je croisais un triangle Isocèle ! qu’il me dit… Je prenais opportunément la tangente Quand deux larrons déboulèrent de leur côté « Nous sommes nés égaux en droite ! » Déclamèrent-ils d’une seule voix La base avait parlé Elle souhaitait me rallier à sa cause Sans me demander mon avis Sans savoir si j’étais de même longueur qu’eux Quelles manières outrageusement équilatérales ! Un rapide coup d’œil euclidien À senestre et à dextre Et je partais dans le sens inverse trigonométrique Espérant retrouver ma tangente Malheureusement mon sens de la désorientation M’envoya sur une autre droite qui partait à l’envers

— Paul Jeanzé
La saison désamour

Le petit poème

Goutte à goutte à goutte à goutte Le poème sous perfusion Hélas est bien moribond À son chevet deux médecins imaginaires « Ce qu’il faudrait mon cher confrère C’est un sonnet quelques quatrains Et si j’osais un majestueux alexandrin ! » « Mais que nenni mon cher ami laissons la prose s’exprimer sans contrainte sans règle déréglée libérée de façon délibérée ne recherchons pas sans cesse la rime plate ou la rime embrassée le ver aux douze pieds à votre santé et la césure qui divisa tant d’hémistiches ! » Et pendant que nos éminents spécialistes Devisaient gaiement de leurs sublimes théories Malgré son grand courage Notre petit poème en vint à expirer À l’enterrement du petit poème Même l’élégie se porta pâle À l’enterrement du petit poème Seule l’épitaphe vint à passer Ci-gît et là un petit poème qui aujourd’hui s’en est allé Il n’attendait rien qu’un je t’aime On n’eut de cesse de l’étudier

— Paul Jeanzé
la saison désamour

Le phare par l’amour fracassé

L’eau La mer Liquide improbable Flaque d’huile Le phare Salutaire lampe à pétrole Évite le pire aux bateaux ivres d’alcool Éthylique Éthanol Univers grand-guignol Soumis aux frasques d’Éole Une vague audacieuse Sur les rochers vint se briser Sa sœur tempétueuse Autour du phare vient se lover Puis s’étire Se retire Et revient cette fois-ci tumul-tueuse Contre le fanal se fracasser D’amour voilà le phare qui se fissure Pour cette vague qui au loin lui susurre « Part avec mes embruns Quitte la terre Rejoins la mer Et son air mutin » Vers les vagues le falot sémaphore se penche Étourdi enivré Il se laisse bêtement choir La mer par l’éther éméchée S’embrase au milieu du vieux phare dessoudé Feu de paille Feu de courte durée Les vagues pleurent et éteignent les flammes Elles se retirent Tristes comme les vieilles pierres Pour qui elles ne peuvent plus s’embraser L’eau La mer Liquide improbable Flasque et folle En a fini d’aimer et de se consumer Les ténèbres ont repris leurs quartiers Un bateau Ivre d’alcool À l’inconnu se retrouva livré Et la Mort Gourmande L’invita à venir sur les rochers s’y échouer

— Paul Jeanzé
la saison désamour

Le temps de…

Que restera-t-il demain de ce fragile millénaire De ce monde contemporain Qui se précipite vers sa fin Vite Plus vite Et plus vite encor Croyant naïvement de la sorte Profiter au mieux de ses dernières heures d’existence Pourtant En retard À l’heure Ou en avance Il sera toujours temps de jouir de sa souffrance

— Paul Jeanzé
la saison désamour

Prise de conscience

Je suis Enfermé Depuis une heure dans mon bureau Ou plutôt… Je ne suis pas Je ne suis plus Je n’ai jamais été Et là n’est plus la question Derrière des vitres opaques et sales Je regarde passer des nuages affolés Des nuages remplis d’une sueur qui dégouline sur le pavé Effarés ils voient de leur hauteur S’élever à perte de vue Immeubles et cités cimentées Nulle part un petit coin de nature Où le vent de l’automne pourrait Petit tas petit Rassembler les feuilles tombées Dans ma tour de verre et gris L’air commence à manquer Artificiel Superficiel Respiration à l’étouffée Une dernière réunion derrière des vitres fumées À regarder le temps s’envoler et les passants lui courir après Au mur la triste histoire d’une horloge estropiée Qui au fil du temps et de ses aiguilles disparues Tourne en rond de désespoir d’avoir laissé les heures filer

— Paul Jeanzé
la saison désamour

Sans bruit

L’homme aujourd’hui a tout découvert Tout visité Pourtant, du haut de sa retraite dorée Le soir venu Quand les bruits s’estompent Quand la nuit tombe Il cherche en vain De quelle façon il pourrait l’atteindre et l’entendre Ce monde du silence que jamais encor il n’a su explorer

— Paul Jeanzé
Une courte saison
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