Éternels Éclairs

Florilège de Poèmes
de Julius Nicoladec


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Par Stéphen Moysan

Attention des droits d'auteurs, que nous ne possèdons pas, protègent la majorité des oeuvres ici présentes.

Clair Obscur

Qui déplore qu’il y ait des ombres Devra se résoudre à l’obscurité Car toute lumière en projette Il n’est de vie comblée Qu’en pleine conscience d’être mortel Et de ne pas tenter de le dénier Il n’est d’amour qui vaille Qu’à savoir reconnaître en l’autre L’ennemi qui pourrait mortellement détruire Il n’est de vérité recevable Qu’à condition de garder à tout moment la perspective de la pouvoir réfuter Il n’est de pouvoir réel Sans reconnaissance lucide De tout ce qu’il ne peut pas Il n’est de beauté Sans quelque faute de goût Pour la mettre en valeur Savoir accueillir le négatif Concéder en toute chose la part du diable

— Julius Nicoladec
Florilège 183

Déréliction

Du soleil tombaient de si joyeux rayons d’or Que je m’en crus naïvement destinataire. Las, ils n’avaient en vérité de moi que faire, N’ayant pas même noté que j’étais dehors. Croisant femme d’un si délicieux abord Que je me crus de son sourire dédicataire, Se contenta avec froideur de me faire taire Et ne fit d’attention pour moi le moindre effort. Cette vie dont je rêvais qu’on m’avait fait grâce, Quand on ne gardera de moi la moindre trace, Que l’espèce ne cherchait qu’à se perpétuer. Laissant divaguer mon illusion vagabonde, Obstant le désintérêt que me voue ce monde, Je feindrai de croire qu’il tente de me charmer.

— Julius Nicoladec
Florilège 174

En cette faille

Mémoire abusive, vains projets Il n’est que maintenant qui vaille Subsistant seul en cette faille Entre ces mirages surfaits Lendemains dont nul ne peut mais Alors que le passé défaille Mémoire abusive, vains projets Il n’est que maintenant qui vaille En ce seul présent je me fais Le reste n’est que représailles À m’en délivrer je travaille L’être n’est futur ni passé Mémoire abusive, vains projets

— Julius Nicoladec
Florilège 174

Mystère renouvelé

Effrayé de l’idée qu’un jour tu ne te lasses J’aimerais tant pouvoir te donner chaque fois Figure inédite encore inconnue de toi Pour susciter nouveaux motifs à tes audaces Que chaque apparition de moi une autre efface Pour que jamais l’habitude ne fasse loi Ne dégénère en reste d’on ne sait plus quoi Que ton désir renaisse toujours plus vivace T’offrir de moi un visage encore inconnu Être pour toi sans cesse le nouveau venu Qui saura susciter un désir inédit Perpétrer contre moi sans pitié sacrifice Afin qu’après avoir commis ce vil dédit Avec un autre moi toujours tu me trahisses

— Julius Nicoladec
Florilège 181

On ferme

Étouffé inconsidérément le négatif, Qui était pourtant moteur de toute vie ; Mise à l’index imprudemment toute différence, Qui seule cependant pouvait donner consistance aux êtres ; Perdue de vue la dignité, Devenue luxe inutile et suranné. Ne restent que fantoches Avançant d’un seul pas vers leur avenir radieux, Refusant de savoir, téléphone à la main, Qu’il s’agit de leur sortie définitive vers le néant. La parenthèse du sens est terminée. On ferme.

— Julius Nicoladec
Florilège

Opacité lumineuse

Ce que vous avez su me taire Est autrement bouleversant Que ce d’autres auraient eu vulgarité de me dire. Avoir délicatesse de garder par-devers soi Ce qui ne saurait être que mal dit. Je vous suis à jamais reconnaissant De m’avoir pris au filet de cette si riche incertitude. Conserver ses trois cents coulisses, Disait Frédéric le ténébreux. En cette triste époque qui ne tolère plus Que cette si cyniquement nommée transparence, Ressaisir qu’il n’y a rien à exhiber que l’obscénité. En aucun cas, ne prétendre révéler nos tréfonds. Toute profondeur ne se laisse deviner que voilée. Par la seule obscurité se laisser éblouir.

— Julius Nicoladec
Florilège 179

Vaquer de routine

Perdre l’exceptionnel de chaque instant Vaquer de routine sans y prendre garde Oublier le miracle d’être là Vivre en la quasi absence de soi Là-contre ressaisir ce maintenant D’une plénitude à jamais sans retour Et qui n’a à se justifier de rien Sans promesse d’un quelconque suivant. Pour pleinement gîter en ce qui est Être conscient qu’il ne sera bientôt plus Qu’il aurait pu simplement ne pas être Sentir la mort pour savoir la vie

— Julius Nicoladec
Florilège 180
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