Poésie et poèmes sur la nature et la forêt

À Aurore
La nature est tout ce qu’on voit, Tout ce qu’on veut, tout ce qu’on aime. Tout ce qu’on sait, tout ce qu’on croit, Tout ce que l’on sent en soi-même. Elle est belle pour qui la voit, Elle est bonne à celui qui l’aime, Elle est juste quand on y croit Et qu’on la respecte en soi-même. Regarde le ciel, il te voit, Embrasse la terre, elle t’aime. La vérité c’est ce qu’on croit En la nature c’est toi-même.
Contes d'une grand'mère
Ballade « Quand à peine un nuage »
Quand à peine un nuage, Flocon de laine, nage Dans les champs du ciel bleu, Et que la moisson mûre, Sans vagues ni murmure, Dort sous le ciel en feu ; Quand les couleuvres souples Se promènent par couples Dans les fossés taris ; Quand les grenouilles vertes, Par les roseaux couvertes, Troublent l’air de leurs cris ; Aux fentes des murailles Quand luisent les écailles Et les yeux du lézard, Et que les taupes fouillent Les prés, où s’agenouillent Les grands bœufs à l’écart, Qu’il fait bon ne rien faire, Libre de toute affaire, Libre de tous soucis, Et sur la mousse tendre Nonchalamment s’étendre, Ou demeurer assis ; Et suivre l’araignée, De lumière baignée, Allant au bout d’un fil À la branche d’un chêne Nouer la double chaîne De son réseau subtil, Ou le duvet qui flotte, Et qu’un souffle ballotte Comme un grand ouragan, Et la fourmi qui passe Dans l’herbe, et se ramasse Des vivres pour un an, Le papillon frivole, Qui de fleurs en fleurs vole Tel qu’un page galant, Le puceron qui grimpe À l’odorant olympe D’un brin d’herbe tremblant ; Et puis s’écouter vivre, Et feuilleter un livre, Et rêver au passé En évoquant les ombres, Ou riantes ou sombres, D’un long rêve effacé, Et battre la campagne, Et bâtir en Espagne De magiques châteaux, Créer un nouveau monde Et jeter à la ronde Pittoresques coteaux, Vastes amphithéâtres De montagnes bleuâtres, Mers aux lames d’azur, Villes monumentales, Splendeurs orientales, Ciel éclatant et pur, Jaillissantes cascades, Lumineuses arcades Du palais d’Obéron, Gigantesques portiques, Colonnades antiques, Manoir de vieux baron Avec sa châtelaine, Qui regarde la plaine Du sommet des donjons, Avec son nain difforme, Son pont-levis énorme, Ses fossés pleins de joncs, Et sa chapelle grise, Dont l’hirondelle frise Au printemps les vitraux, Ses mille cheminées De corbeaux couronnées, Et ses larges créneaux, Et sur les hallebardes Et les dagues des gardes Un éclair de soleil, Et dans la forêt sombre Lévriers eu grand nombre Et joyeux appareil, Chevaliers, damoiselles, Beaux habits, riches selles Et fringants palefrois, Varlets qui sur la hanche Ont un poignard au manche Taillé comme une croix ! Voici le cerf rapide, Et la meute intrépide ! Hallali, hallali ! Les cors bruyants résonnent, Les pieds des chevaux tonnent, Et le cerf affaibli Sort de l’étang qu’il trouble ; L’ardeur des chiens redouble : Il chancelle, il s’abat. Pauvre cerf ! son corps saigne, La sueur à flots baigne Son flanc meurtri qui bat ; Son œil plein de sang roule Une larme, qui coule Sans toucher ses vainqueurs ; Ses membres froids s’allongent ; Et dans son col se plongent Les couteaux des piqueurs. Et lorsque de ce rêve Qui jamais ne s’achève Mon esprit est lassé, J’écoute de la source Arrêtée en sa course Gémir le flot glacé, Gazouiller la fauvette Et chanter l’alouette Au milieu d’un ciel pur ; Puis je m’endors tranquille Sous l’ondoyant asile De quelque ombrage obscur.
Premières Poésies
Bannières de mai
Aux branches claires des tilleuls Meurt un maladif hallali. Mais des chansons spirituelles Voltigent parmi les groseilles. Que notre sang rie en nos veines, Voici s’enchevêtrer les vignes. Le ciel est joli comme un ange. L’azur et l’onde communient. Je sors. Si un rayon me blesse Je succomberai sur la mousse. Qu’on patiente et qu’on s’ennuie C’est trop simple. Fi de mes peines. je veux que l’été dramatique Me lie à son char de fortunes Que par toi beaucoup, ô Nature, – Ah moins seul et moins nul ! – je meure. Au lieu que les Bergers, c’est drôle, Meurent à peu près par le monde. Je veux bien que les saisons m’usent. A toi, Nature, je me rends ; Et ma faim et toute ma soif. Et, s’il te plaît, nourris, abreuve. Rien de rien ne m’illusionne ; C’est rire aux parents, qu’au soleil, Mais moi je ne veux rire à rien ; Et libre soit cette infortune.
Derniers vers
Correspondances
La Nature est un temple où de vivants piliers Laissent parfois sortir de confuses paroles ; L’homme y passe à travers des forêts de symboles Qui l’observent avec des regards familiers. Comme de longs échos qui de loin se confondent Dans une ténébreuse et profonde unité, Vaste comme la nuit et comme la clarté, Les parfums, les couleurs et les sons se répondent. II est des parfums frais comme des chairs d’enfants, Doux comme les hautbois, verts comme les prairies, — Et d’autres, corrompus, riches et triomphants, Ayant l’expansion des choses infinies, Comme l’ambre, le musc, le benjoin et l’encens, Qui chantent les transports de l’esprit et des sens.
Les Fleurs du mal
Dans l’interminable …
Dans l’interminable Ennui de la plaine, La neige incertaine Luit comme du sable. Le ciel est de cuivre Sans lueur aucune, On croirait voir vivre Et mourir la lune. Comme des nuées Flottent gris les chênes Des forêts prochaines Parmi les buées. Le ciel est de cuivre Sans lueur aucune. On croirait voir vivre Et mourir la lune. Corneille poussive Et vous, les loups maigres, Par ces bises aigres Quoi donc vous arrive ? Dans l’interminable Ennui de la plaine La neige incertaine Luit comme du sable.
Romances sans paroles
Élévation
Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées, Des montagnes, des bois, des nuages, des mers, Par delà le soleil, par delà les éthers, Par delà les confins des sphères étoilées, Mon esprit, tu te meus avec agilité, Et, comme un bon nageur qui se pâme dans l’onde, Tu sillonnes gaiement l’immensité profonde Avec une indicible et mâle volupté. Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides ; Va te purifier dans l’air supérieur, Et bois, comme une pure et divine liqueur, Le feu clair qui remplit les espaces limpides. Derrière les ennuis et les vastes chagrins Qui chargent de leur poids l’existence brumeuse, Heureux celui qui peut d’une aile vigoureuse S’élancer vers les champs lumineux et sereins ; Celui dont les pensers, comme des alouettes, Vers les cieux le matin prennent un libre essor, – Qui plane sur la vie, et comprend sans effort Le langage des fleurs et des choses muettes !
Les Fleurs du mal
L’automne
Salut ! bois couronnés d’un reste de verdure ! Feuillages jaunissants sur les gazons épars ! Salut, derniers beaux jours ! Le deuil de la nature Convient à la douleur et plaît à mes regards ! Je suis d’un pas rêveur le sentier solitaire, J’aime à revoir encor, pour la dernière fois, Ce soleil pâlissant, dont la faible lumière Perce à peine à mes pieds l’obscurité des bois ! Oui, dans ces jours d’automne où la nature expire, A ses regards voilés, je trouve plus d’attraits, C’est l’adieu d’un ami, c’est le dernier sourire Des lèvres que la mort va fermer pour jamais ! Ainsi, prêt à quitter l’horizon de la vie, Pleurant de mes longs jours l’espoir évanoui, Je me retourne encore, et d’un regard d’envie Je contemple ses biens dont je n’ai pas joui ! Terre, soleil, vallons, belle et douce nature, Je vous dois une larme aux bords de mon tombeau ; L’air est si parfumé ! la lumière est si pure ! Aux regards d’un mourant le soleil est si beau ! Je voudrais maintenant vider jusqu’à la lie Ce calice mêlé de nectar et de fiel ! Au fond de cette coupe où je buvais la vie, Peut-être restait-il une goutte de miel ? Peut-être l’avenir me gardait-il encore Un retour de bonheur dont l’espoir est perdu ? Peut-être dans la foule, une âme que j’ignore Aurait compris mon âme, et m’aurait répondu ? … La fleur tombe en livrant ses parfums au zéphire ; A la vie, au soleil, ce sont là ses adieux ; Moi, je meurs; et mon âme, au moment qu’elle expire, S’exhale comme un son triste et mélodieux.
Méditations poétiques
L’isolement
Souvent sur la montagne, à l’ombre du vieux chêne, Au coucher du soleil, tristement je m’assieds ; Je promène au hasard mes regards sur la plaine, Dont le tableau changeant se déroule à mes pieds. Ici, gronde le fleuve aux vagues écumantes ; Il serpente, et s’enfonce en un lointain obscur ; Là, le lac immobile étend ses eaux dormantes Où l’étoile du soir se lève dans l’azur. Au sommet de ces monts couronnés de bois sombres, Le crépuscule encor jette un dernier rayon, Et le char vaporeux de la reine des ombres Monte, et blanchit déjà les bords de l’horizon. Cependant, s’élançant de la flèche gothique, Un son religieux se répand dans les airs, Le voyageur s’arrête, et la cloche rustique Aux derniers bruits du jour mêle de saints concerts. Mais à ces doux tableaux mon âme indifférente N’éprouve devant eux ni charme ni transports, Je contemple la terre ainsi qu’une ombre errante : Le soleil des vivants n’échauffe plus les morts. De colline en colline en vain portant ma vue, Du sud à l’aquilon, de l’aurore au couchant, Je parcours tous les points de l’immense étendue, Et je dis : « Nulle part le bonheur ne m’attend. » Que me font ces vallons, ces palais, ces chaumières, Vains objets dont pour moi le charme est envolé ? Fleuves, rochers, forêts, solitudes si chères, Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé. Que le tour du soleil ou commence ou s’achève, D’un oeil indifférent je le suis dans son cours ; En un ciel sombre ou pur qu’il se couche ou se lève, Qu’importe le soleil ? je n’attends rien des jours. Quand je pourrais le suivre en sa vaste carrière, Mes yeux verraient partout le vide et les déserts ; Je ne désire rien de tout ce qu’il éclaire, Je ne demande rien à l’immense univers. Mais peut-être au-delà des bornes de sa sphère, Lieux où le vrai soleil éclaire d’autres cieux, Si je pouvais laisser ma dépouille à la terre, Ce que j’ai tant rêvé paraîtrait à mes yeux ! Là, je m’enivrerais à la source où j’aspire ; Là, je retrouverais et l’espoir et l’amour, Et ce bien idéal que toute âme désire, Et qui n’a pas de nom au terrestre séjour ! Que ne puis-je, porté sur le char de l’Aurore, Vague objet de mes vœux, m’élancer jusqu’à toi ! Sur la terre d’exil pourquoi restè-je encore ? Il n’est rien de commun entre la terre et moi. Quand la feuille des bois tombe dans la prairie, Le vent du soir s’élève et l’arrache aux vallons ; Et moi, je suis semblable à la feuille flétrie : Emportez-moi comme elle, orageux aquilons !
Méditations poétiques
La Forêt
Forêt silencieuse, aimable solitude, Que j’aime à parcourir votre ombrage ignoré ! Dans vos sombres détours, en rêvant égaré, J’éprouve un sentiment libre d’inquiétude ! Prestiges de mon cœur ! je crois voir s’exhaler Des arbres, des gazons une douce tristesse : Cette onde que j’entends murmure avec mollesse, Et dans le fond des bois semble encor m’appeler. Oh ! que ne puis-je, heureux, passer ma vie entière Ici, loin des humains !… Au bruit de ces ruisseaux, Sur un tapis de fleurs, sur l’herbe printanière, Qu’ignoré je sommeille à l’ombre des ormeaux ! Tout parle, tout me plaît sous ces voûtes tranquilles ; Ces genêts, ornements d’un sauvage réduit, Ce chèvrefeuille atteint d’un vent léger qui fuit, Balancent tour à tour leurs guirlandes mobiles. Forêts, dans vos abris gardez mes vœux offerts ! A quel amant jamais serez-vous aussi chères ? D’autres vous rediront des amours étrangères ; Moi de vos charmes seuls j’entretiens les déserts.
Tableaux de la nature
Les Colchiques
Le pré est vénéneux mais joli en automne Les vaches y paissant Lentement s’empoisonnent Le colchique couleur de cerne et de lilas Y fleurit tes yeux sont comme cette fleur-là Violâtres comme leur cerne et comme cet automne Et ma vie pour tes yeux lentement s’empoisonne Les enfants de l’école viennent avec fracas Vêtus de hoquetons et jouant de l’harmonica Ils cueillent les colchiques qui sont comme des mères Filles de leurs filles et sont couleur de tes paupières Qui battent comme les fleurs battent au vent dément Le gardien du troupeau chante tout doucement Tandis que lentes et meuglant les vaches abandonnent Pour toujours ce grand pré mal fleuri par l’automne
Alcools
Les roses sont rouges, Les violettes sont bleues, Les soucis sont orange, Le soleil jaune a la main verte, Les clochettes ne sonnent pas, Les lupins volent le sol riche, Les iris brillent dans les yeux, Marguerite, le parfum des je t’aime.
Croquis sur l'amour
Matin d'octobre
C'est l'heure exquise et matinale Que rougit un soleil soudain. À travers la brume automnale Tombent les feuilles du jardin. Leur chute est lente. On peut les suivre Du regard en reconnaissant Le chêne à sa feuille de cuivre, L'érable à sa feuille de sang. Les dernières, les plus rouillées, Tombent des branches dépouillées ; Mais ce n'est pas l'hiver encor. Une blonde lumière arrose La nature, et, dans l'air tout rose, On croirait qu'il neige de l'or.
Le cahier rouge
Mon vieux chêne
Je me suis adossé au pied de mon vieux chêne Dont le cœur s’est brisé par l’usure des ans Et j’ai senti monter en moi comme une peine Cet arbre que j’aimais n’a plus beaucoup de temps. Son tronc est plissé comme un beau centenaire Et ses racines ont bu toute l’eau des saisons Il n’a pour seul ami qu’un grillon solitaire Et des oiseaux ravis pour unique passion. Des chuchotis s’animent au bout de ses branches Et le vent hurlant de par la brande pleure L’été s’en est allé et son âme s’épanche Sur quelques graffitis bien connus des flâneurs. Et son corps va mourir aux franges du destin Les heures du cadran sont désormais comptées Il partira sans but dans le morne matin Et je serai présent pour l’écouter pleurer.
Temps calme
Parti très loin Dans mes pensées Je me suis perdu. À le suivre des yeux Un papillon me ramène À moi même. Au bord du lac, Pêcher plus de silence Que de poissons.
En route vers l'horizon
Sensation
C'est l'heure exquise et matinale Que rougit un soleil soudain. À travers la brume automnale Tombent les feuilles du jardin. Leur chute est lente. On peut les suivre Du regard en reconnaissant Le chêne à sa feuille de cuivre, L'érable à sa feuille de sang. Les dernières, les plus rouillées, Tombent des branches dépouillées ; Mais ce n'est pas l'hiver encor. Une blonde lumière arrose La nature, et, dans l'air tout rose, On croirait qu'il neige de l'or.
Poésies