Éternels Éclairs

Florilège de poèmes, chansons, textes, et paroles
de Jacques Brel (1929-1978)



Par Stéphen Moysan

Attention des droits d'auteurs, que nous ne possèdons pas, protègent la majorité des oeuvres ici présentes.

Amsterdam

Dans le port d'Amsterdam Y a des marins qui chantent Les rêves qui les hantent Au large d'Amsterdam Dans le port d'Amsterdam Y a des marins qui dorment Comme des oriflammes Le long des berges mornes Dans le port d'Amsterdam Y a des marins qui meurent Pleins de bière et de drames Aux premières lueurs Mais dans le port d'Amsterdam Y a des marins qui naissent Dans la chaleur épaisse Des langueurs océanes Dans le port d'Amsterdam Y a des marins qui mangent Sur des nappes trop blanches Des poissons ruisselants Ils vous montrent des dents À croquer la fortune À décroisser la Lune À bouffer des haubans Et ça sent la morue Jusque dans le cœur des frites Que leurs grosses mains invitent À revenir en plus Puis se lèvent en riant Dans un bruit de tempête Referment leur braguette Et sortent en rotant Dans le port d'Amsterdam Y a des marins qui dansent En se frottant la panse Sur la panse des femmes Et ils tournent et ils dansent Comme des soleils crachés Dans le son déchiré D'un accordéon rance Ils se tordent le cou Pour mieux s'entendre rire Jusqu'à ce que tout à coup L'accordéon expire Alors le geste grave Alors le regard fier Ils ramènent leurs bataves Jusqu'en pleine lumière Dans le port d'Amsterdam Y a des marins qui boivent Et qui boivent et re-boivent Et qui re-boivent encore Ils boivent à la santé Des putains d'Amsterdam D'Hambourg ou d'ailleurs Enfin ils boivent aux dames Qui leur donnent leurs jolis corps Qui leur donnent leurs vertu Pour une pièce en or Et quand ils ont bien bu Se plantent le nez au ciel Se mouchent dans les étoiles Et ils pissent comme je pleure Sur les femmes infidèles Dans le port d'Amsterdam Dans le port d'Amsterdam

— Jacques Brel (1929-1978)
Chanson

Au Suivant

Tout nu dans ma serviette qui me servait de pagne J'avais le rouge au front et le savon à la main Au suivant, au suivant J'avais juste vingt ans et nous étions cent vingt A être le suivant de celui qu'on suivait Au suivant, au suivant J'avais juste vingt ans et je me déniaisais Au bordel ambulant d'une armée en campagne Au suivant, au suivant Moi j'aurais bien aimé un peu plus de tendresse Ou alors un sourire ou bien avoir le temps Mais au suivant, au suivant Ce n'fut pas Waterloo mais ce n'fut pas Arcole Ce fut l'heure où l'on regrette d'avoir manqué l'école Au suivant, au suivant Mais je jure que d'entendre cet adjudant d'mes fesses C'est des coups à vous faire des armées d'impuissants Au suivant, au suivant Je jure sur la tête de ma première vérole Que cette voix depuis je l'entends tout le temps Au suivant, au suivant Cette voix qui sentait l'ail et le mauvais alcool C'est la voix des nations et c'est la voix du sang Au suivant, au suivant Et depuis chaque femme à l'heure de succomber Entre mes bras trop maigres semble me murmurer Au suivant, au suivant Tous les suivants du monde devraient s'donner la main Voilà ce que la nuit je crie dans mon délire Au suivant, au suivant Et quand je n'délire pas, j'en arrive à me dire Qu'il est plus humiliant d'être suivi que suivant Au suivant, au suivant Un jour je m'ferai cul-de-jatte ou bonne sœur ou pendu Enfin un d'ces machins où je n'serai jamais plus Le suivant, le suivant

— Jacques Brel (1929-1978)
Chanson

Bruxelles

C'était au temps où Bruxelles rêvait C'était au temps du cinéma muet C'était au temps où Bruxelles chantait C'était au temps où Bruxelles bruxellait Place de Broukère on voyait des vitrines Avec des hommes des femmes en crinoline Place de Broukère on voyait l'omnibus Avec des femmes des messieurs en gibus Et sur l'impériale Le cœur dans les étoiles Il y avait mon grand-père Il y avait ma grand-mère Il était militaire Elle était fonctionnaire Il pensait pas elle pensait rien Et on voudrait que je sois malin C'était au temps où Bruxelles chantait C'était au temps du cinéma muet C'était au temps où Bruxelles rêvait C'était au temps où Bruxelles bruxellait Sur les pavés de la place Sainte-Catherine Dansaient les hommes les femmes en crinoline Sur les pavés dansaient les omnibus Avec des femmes des messieurs en gibus Et sur l'impériale Le cœur dans les étoiles Il y avait mon grand-père Il y avait ma grand-mère Il avait su y faire Elle l'avait laissé faire Ils l'avaient donc fait tous les deux Et on voudrait que je sois sérieux C'était au temps où Bruxelles rêvait C'était au temps du cinéma muet C'était au temps où Bruxelles dansait C'était au temps où Bruxelles bruxellait Sous les lampions de la place Sainte-Justine Chantaient les hommes les femmes en crinoline Sous les lampions dansaient les omnibus Avec des femmes des messieurs en gibus Et sur l'impériale Le cœur dans les étoiles Il y avait mon grand-père Il y avait ma grand-mère Il attendait la guerre Elle attendait mon père Ils étaient gais comme le canal Et on voudrait que j'aie le moral C'était au temps où Bruxelles rêvait C'était au temps du cinéma muet C'était au temps où Bruxelles chantait C'était au temps où Bruxelles bruxellait

— Jacques Brel (1929-1978)
Chanson

Ces Gens-là

D'abord, d'abord, y a l'aîné Lui qui est comme un melon Lui qui a un gros nez Lui qui sait plus son nom, monsieur Tellement qu'y boit Tellement qu'il a bu Qui fait rien de ses dix doigts Mais lui qui n'en peut plus Lui qui est complètement cuit Et qui s'prend pour le roi Qui se saoule toutes les nuits Avec du mauvais vin Mais qu'on retrouve matin Dans l'église qui roupille Raide comme une saillie Blanc comme un cierge de Pâques Et puis qui balbutie Et qui a l'œil qui divague Faut vous dire, Monsieur Que chez ces gens-là On ne pense pas, Monsieur On ne pense pas On prie Et puis, y a l'autre Des carottes dans les cheveux Qu'a jamais vu un peigne Qu'est méchant comme une teigne Même qu'il donnerait sa chemise À des pauvres gens heureux Qui a marié la Denise Une fille de la ville, enfin D'une autre ville Et que c'est pas fini Qui fait ses p'tites affaires Avec son p'tit chapeau Avec son p'tit manteau Avec sa p'tite auto Qu'aimerait bien avoir l'air Mais qui a pas l'air du tout Faut pas jouer les riches Quand on n'a pas le sou Faut vous dire, Monsieur Que chez ces gens-là On n'vit pas, Monsieur On n'vit pas On triche Et puis, il y a les autres La mère qui ne dit rien Ou bien n'importe quoi Et du soir au matin Sous sa belle gueule d'apôtre Et dans son cadre en bois Y a la moustache du père Qui est mort d'une glissade Et qui r'garde son troupeau Bouffer la soupe froide Et ça fait des grands flchss-flchss Et ça fait des grands flchss-flchss Et puis y a la toute vieille Qu'en finit pas d'vibrer Et qu'on attend qu'elle crève Vu qu'c'est elle qu'a l'oseille Et qu'on n'écoute même pas C'que ses pauvres mains racontent Faut vous dire, Monsieur Que chez ces gens-là On n'cause pas, Monsieur On n'cause pas On compte Et puis, et puis Et puis il y a Frida Qui est belle comme un soleil Et qui m'aime pareil Que moi j'aime Frida Même qu'on se dit souvent Qu'on aura une maison Avec des tas de fenêtres Avec presque pas de murs Et qu'on vivra dedans Et qu'il fera bon y être Et que si c'est pas sûr C'est quand même peut-être Parce que les autres veulent pas Parce que les autres veulent pas Les autres ils disent comme ça Qu'elle est trop belle pour moi Que je suis tout juste bon À égorger les chats J'ai jamais tué de chats Ou alors y a longtemps Ou bien j'ai oublié Ou ils sentaient pas bon Enfin ils ne veulent pas, ils ne veulent pas Parfois quand on se voit Semblant que c'est pas exprès Avec ses yeux mouillants Elle dit qu'elle partira Elle dit qu'elle me suivra Alors pour un instant Pour un instant seulement Alors moi je la crois, Monsieur Pour un instant Pour un instant seulement Parce que chez ces gens-là, monsieur On ne s'en va pas On ne s'en va pas, Monsieur On ne s'en va pas Mais il est tard, Monsieur Il faut que je rentre Chez moi

— Jacques Brel (1929-1978)
Chanson

Jef

Non Jef t'es pas tout seul Mais arrête de pleurer Comme ça devant tout le monde Parce qu'une demi-vieille Parce qu'une fausse blonde T'a relaissé tomber Non Jef t'es pas tout seul Mais tu sais que tu me fais honte À sangloter comme ça Bêtement devant tout le monde Parce qu'une trois quarts putain T'a claqué dans les mains Non Jef t'es pas tout seul Mais tu fais honte à voir Les gens se paient notre tête Foutons le camp de ce trottoir, viens Jef, viens Viens, viens Viens, il me reste trois sous On va aller se les boire Chez la mère Françoise, viens Jef, viens, viens Il me reste trois sous Et si c'est pas assez, ben Il me restera l'ardoise Puis on ira manger Des moules et puis des frites Des frites et puis des moules Et du vin de Moselle Et si t'es encore triste On ira voir les filles Chez la madame Andrée Paraît qu'y en a de nouvelles On rechantera comme avant On sera bien tous les deux Comme quand on était jeunes Comme quand c'était le temps que J'avais de l'argent Non Jef t'es pas tout seul Mais arrête tes grimaces Soulève tes cent kilos Fais bouger ta carcasse Je sais que t'as le cœur gros mais Il faut le soulever, Jef Non Jef t'es pas tout seul Mais arrête de sangloter Arrête de te répandre Arrête de répéter qu't'es bon à te foutre à l'eau Que t'es bon à te pendre Non Jef t'es pas tout seul Mais c'est plus un trottoir Ça devient un cinéma Où les gens viennent te voir Viens Jef, viens, viens Viens, il me reste ma guitare Je l'allumerai pour toi Et on sera espagnols, Jef, viens, viens Comme quand on était mômes Même que j'aimais pas ça T'imiteras le rossignol, Jef Puis on se trouvera un banc On parlera de l'Amérique Où c'est qu'on va aller, tu sais Quand on aura du fric, Jef, viens Et si t'es encore triste Ou rien que si t'en as l'air Je te raconterai comment Tu deviendras Rockfeller On sera bien tous les deux On rechantera comme avant Comme quand on était beaux, Jef Comme quand c'était le temps D'avant qu'on soit poivrots Allez viens Jef, viens Oui, oui Jef, oui, viens

— Jacques Brel (1929-1978)
Chanson

Heureux

Heureux qui chante pour l'enfant Et qui sans jamais rien lui dire Le guide au chemin triomphant Heureux qui chante pour l'enfant Heureux qui sanglote de joie Pour s'être enfin donné d'amour Ou pour un baiser que l'on boit Heureux qui sanglote de joie Heureux les amants séparés Et qui ne savent pas encore Qu'ils vont demain se retrouver Heureux les amants séparés Heureux les amants épargnés Et dont la force de vingt ans Ne sert à rien qu'à bien s'aimer Heureux les amants épargnés Heureux les amants que nous sommes Et qui demain loin l'un de l'autre S'aimeront, s'aimeront Par-dessus les hommes

— Jacques Brel (1929-1978)
Chanson

La Chanson Des Vieux Amants

Bien sûr, nous eûmes des orages Vingt ans d'amour, c'est l'amour fol Mille fois tu pris ton bagage Mille fois je pris mon envol Et chaque meuble se souvient Dans cette chambre sans berceau Des éclats des vieilles tempêtes Plus rien ne ressemblait à rien Tu avais perdu le goût de l'eau Et moi celui de la conquête Mais mon amour Mon doux, mon tendre, mon merveilleux amour De l'aube claire jusqu'à la fin du jour Je t'aime encore, tu sais, je t'aime Moi, je sais tous tes sortilèges Tu sais tous mes envoûtements Tu m'as gardé de piège en piège Je t'ai perdue de temps en temps Bien sûr tu pris quelques amants Il fallait bien passer le temps Il faut bien que le corps exulte Mais finalement, finalement Il nous fallut bien du talent Pour être vieux sans être adultes Mon amour Mon doux, mon tendre, mon merveilleux amour De l'aube claire jusqu'à la fin du jour Je t'aime encore, tu sais, je t'aime Et plus le temps nous fait cortège Et plus le temps nous fait tourment Mais n'est-ce pas le pire piège Que vivre en paix pour des amants Bien sûr tu pleures un peu moins tôt Je me déchire un peu plus tard Nous protégeons moins nos mystères On laisse moins faire le hasard On se méfie du fil de l'eau Mais c'est toujours la tendre guerre Oh, mon amour Mon doux, mon tendre, mon merveilleux amour De l'aube claire jusqu'à la fin du jour Je t'aime encore, tu sais, je t'aime

— Jacques Brel (1929-1978)
Chanson

La Quête

Rêver un impossible rêve Porter le chagrin des départs Brûler d'une possible fièvre Partir où personne ne part Aimer jusqu'à la déchirure Aimer, même trop, même mal, Tenter, sans force et sans armure, D'atteindre l'inaccessible étoile Telle est ma quête, Suivre l'étoile Peu m'importent mes chances Peu m'importe le temps Ou ma désespérance Et puis lutter toujours Sans questions ni repos Se damner Pour l'or d'un mot d'amour Je ne sais si je serai ce héros Mais mon cœur serait tranquille Et les villes s'éclabousseraient de bleu Parce qu'un malheureux Brûle encore, bien qu'ayant tout brûlé Brûle encore, même trop, même mal Pour atteindre à s'en écarteler Pour atteindre l'inaccessible étoile.

— Jacques Brel (1929-1978)
Chanson

Les Marquises

Ils parlent de la mort Comme tu parles d'un fruit Ils regardent la mer Comme tu regardes un puits Les femmes sont lascives Au soleil redouté Et s'il n'y a pas d'hiver Cela n'est pas l'été La pluie est traversière Elle bat de grain en grain Quelques vieux chevaux blanc Qui fredonnent Gauguin Et par manque de brise Le temps s'immobilise Aux Marquises Du soir, montent des feux Et des points de silence Qui vont s'élargissant Et la lune s'avance Et la mer se déchire Infiniment brisée Par des rochers qui prirent Des prénoms affolés Et puis, plus loin, des chiens Des chants de repentance Et quelques pas de deux Et quelques pas de danse Et la nuit est soumise Et l'alizé se brise Aux Marquises Le rire est dans le cœur Le mot dans le regard Le cœur est voyageur L'avenir est au hasard Et passent des cocotiers Qui écrivent des chants d'amour Que les sœurs d'alentour Ignorent d'ignorer Les pirogues s'en vont Les pirogues s'en viennent Et mes souvenirs deviennent Ce que les vieux en font Veux-tu que je te dise? Gémir n'est pas de mise Aux Marquises

— Jacques Brel (1929-1978)
Chanson

Les Vieux

Les vieux ne parlent plus Ou alors seulement Parfois du bout des yeux Même riches ils sont pauvres Ils n'ont plus d'illusions Et n'ont qu'un cœur pour deux Chez eux, ça sent le thym Le propre, la lavande Et le verbe d'antan Que l'on vive à Paris On vit tous en province Quand on vit trop longtemps Est-ce d'avoir trop ri Que leur voix se lézarde Quand ils parlent d'hier? Et d'avoir trop pleuré Que des larmes encore Leur perlent aux paupières? Et s'ils tremblent un peu Est-ce de voir vieillir La pendule d'argent Qui ronronne au salon Qui dit oui, qui dit non Qui dit je vous attends Les vieux ne rêvent plus Leurs livres s'ensommeillent Leurs pianos sont fermés Le petit chat est mort Le muscat du dimanche Ne les fait plus chanter Les vieux ne bougent plus Leurs gestes ont trop de rides Leur monde est trop petit Du lit à la fenêtre Puis du lit au fauteuil Et puis du lit au lit Et s'ils sortent encore Bras dessus, bras dessous Tout habillés de raide C'est pour suivre au soleil L'enterrement d'un plus vieux L'enterrement d'une plus laide Et le temps d'un sanglot Oublier toute une heure La pendule d'argent Qui ronronne au salon Qui dit oui, qui dit non Et puis qui les attend Les vieux ne meurent pas Ils s'endorment un jour Et dorment trop longtemps Ils se tiennent la main Ils ont peur de se perdre Et se perdent pourtant Et l'autre reste là Le meilleur ou le pire Le doux ou le sévère Cela n'importe pas Celui des deux qui reste Se retrouve en enfer Vous le verrez peut-être Vous le verrez parfois En pluie et en chagrin Traverser le présent En s'excusant déjà De n'être pas plus loin Et fuir devant vous Une dernière fois La pendule d'argent Qui ronronne au salon, Qui dit oui, qui dit non, Qui leur dit je t'attends Qui ronronne au salon, Qui dit oui, qui dit non Et puis qui nous attend

— Jacques Brel (1929-1978)
Chanson

Mathilde

Ma mère, voici le temps venu D'aller prier pour mon salut Mathilde est revenue Bougnat, tu peux garder ton vin Ce soir je boirai mon chagrin Mathilde est revenue Toi la servante, toi la Maria Vaudrait peut-être mieux changer nos draps Mathilde est revenue Mes amis, ne me laissez pas Ce soir je repars au combat Maudite Mathilde, puisque te v'là Mon cœur, mon cœur ne t'emballe pas Fais comme si tu ne savais pas Que la Mathilde est revenue Mon cœur, arrête de répéter Qu'elle est plus belle qu'avant l'été La Mathilde qui est revenue Mon cœur, arrête de bringuebaler Souviens-toi qu'elle t'a déchiré La Mathilde qui est revenue Mes amis, ne me laissez pas, non Dites-moi, dites-moi qu'il ne faut pas Maudite Mathilde puisque te v'là Et vous mes mains, restez tranquilles C'est un chien qui nous revient de la ville Mathilde est revenue Et vous mes mains, ne frappez pas Tout ça ne vous regarde pas Mathilde est revenue Et vous mes mains, ne tremblez plus Souvenez-vous quand j'vous pleurais dessus Mathilde est revenue Vous mes mains, ne vous ouvrez pas Vous mes bras, ne vous tendez pas Sacrée Mathilde puisque te v'là Ma mère, arrête tes prières Ton Jacques retourne en enfer Mathilde m'est revenue Bougnat, apporte-nous du vin Celui des noces et des festins Mathilde m'est revenue Toi la servante, toi la Maria Va tendre mon grand lit de draps Mathilde m'est revenue Amis, ne comptez plus sur moi Je crache au ciel encore une fois Ma belle Mathilde puisque te v'là, te v'là !

— Jacques Brel (1929-1978)
Chanson

Ne Me Quitte Pas

Ne me quitte pas Il faut oublier Tout peut s'oublier Qui s'enfuit déjà Oublier le temps Des malentendus Et le temps perdu À savoir comment Oublier ces heures Qui tuaient parfois À coups de pourquoi Le cœur du bonheur Ne me quitte pas Ne me quitte pas Ne me quitte pas Ne me quitte pas Moi, je t'offrirai Des perles de pluie Venues de pays Où il ne pleut pas Je creuserai la terre Jusqu'après ma mort Pour couvrir ton corps D'or et de lumière Je ferai un domaine Où l'amour sera roi Où l'amour sera loi Où tu seras reine Ne me quitte pas Ne me quitte pas Ne me quitte pas Ne me quitte pas Ne me quitte pas Je t'inventerai Des mots insensés Que tu comprendras Je te parlerai De ces amants-là Qui ont vu deux fois Leurs cœurs s'embraser Je te raconterai L'histoire de ce roi Mort de n'avoir pas Pu te rencontrer Ne me quitte pas Ne me quitte pas Ne me quitte pas Ne me quitte pas On a vu souvent Rejaillir le feu De l'ancien volcan Qu'on croyait trop vieux Il est, paraît-il Des terres brûlées Donnant plus de blé Qu'un meilleur avril Et quand vient le soir Pour qu'un ciel flamboie Le rouge et le noir Ne s'épousent-ils pas? Ne me quitte pas Ne me quitte pas Ne me quitte pas Ne me quitte pas Ne me quitte pas Je ne vais plus pleurer Je ne vais plus parler Je me cacherai là À te regarder Danser et sourire Et à t'écouter Chanter et puis rire Laisse-moi devenir L'ombre de ton ombre L'ombre de ta main L'ombre de ton chien Mais Ne me quitte pas Ne me quitte pas Ne me quitte pas Ne me quitte pas

— Jacques Brel (1929-1978)
Chanson

Quand On N'a Que L'amour

Quand on n'a que l'amour À s'offrir en partage Au jour du grand voyage Qu'est notre grand amour Quand on n'a que l'amour Mon amour toi et moi Pour qu'éclatent de joie Chaque heure et chaque jour Quand on n'a que l'amour Pour vivre nos promesses Sans nulle autre richesse Que d'y croire toujours Quand on n'a que l'amour Pour meubler de merveilles Et couvrir de soleil La laideur des faubourgs Quand on n'a que l'amour Pour unique raison Pour unique chanson Et unique secours Quand on n'a que l'amour Pour habiller matin Pauvres et malandrins De manteaux de velours Quand on n'a que l'amour À offrir en prière Pour les maux de la terre En simple troubadour Quand on n'a que l'amour À offrir à ceux-là Dont l'unique combat Est de chercher le jour Quand on n'a que l'amour Pour parler aux canons Et rien qu'une chanson Pour convaincre un tambour Quand on n'a que l'amour Pour tracer un chemin À chaque carrefour Alors, sans avoir rien Que la force d'aimer Nous aurons dans nos mains Ma mie, le monde entier

— Jacques Brel (1929-1978)
Chanson
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