Éternels Éclairs

Florilège de Poèmes
de Manon Soyer-Chaudun


Manon Soyer-Chaudun

Poèmes choisis

Par Stéphen Moysan

Attention des droits d'auteurs, que nous ne possèdons pas, protègent la majorité des oeuvres ici présentes.

À ces moments chéris quand les masques enfin s’éclipsent; quand la présence des nuages révèle un peu mieux les étoiles; quand seul importe le feu que nous choisissons de nourrir et dont nous partageons la flamme. À ces moments où les mots se touchent, où des souhaits d’aventure se sculptent entre la lune et la plage. À ces moments où nous partageons les mêmes courants, d’une eau sur laquelle le vol des oiseaux dessine des odyssées. Tous ces moments que la sobriété du sable saura garder secrets et par lesquels le soir, fatigués, nous brillons un peu plus fort, un peu plus certainement.

— Manon Soyer-Chaudun
Recueil : Locataire de la nuit

Le fil casse et ma terre grimace quand la voie lactée des autres n’est pour moi que trou noir ou canal lacrymal. Recevez mes mots de vapeur.

— Manon Soyer-Chaudun
Recueil : Locataire de la nuit

Et toi qui colore tout de bleu. Qui écrit sur l’eau. Marcheur de migraines. Entremetteur de mes insomnies qui chaque nuit causent un peu plus. Voyageur immobile, constant. Daltonien de tout ce que j’aimerais t’offrir. Et moi qui continue de rassembler le vent et l’eau de quelques points de broderie. Cet espace flottant laissé vide que mes feutres remplissent des couleurs du «nous».

— Manon Soyer-Chaudun
Recueil : Locataire de la nuit

Fenêtre ouverte. Grille de nuage. Rouleaux de pluie pour tisser la nuit. Cordes de vent, cordes de rien. Des cordes pour s’attacher, se rattacher, pour tomber. Ces cordes ne retiennent pas grand chose. Pour chamarrer l’ivoire, il me faudrait un fil couleur de lune: Un fil hémoglobine.

— Manon Soyer-Chaudun
Recueil : Locataire de la nuit

L’immobilité ne m’a jamais aussi distraite. Je m’en-boucle pour la fermer. Je me regarde. Je me regarde écrire. Je me mets en abyme pour ne pas m’abymer. Do - douleur Sol - solitude La - lassitude Ré - répit Répétition. Encore, encore une fois le canon pour unir, pour rassembler ce qui m’appartient. Sur cette page il n’y a que moi. Pas de place pour toi ailleurs que dans les boucles. Je t’ai bouclé.

— Manon Soyer-Chaudun
Recueil : Locataire de la nuit

La nuit me déborde Échardes de sel au bord des cils, gerçures de souvenir. Avec juste un tout petit peu j’ai encore des tremblements de sommeil. La nuit me déborde. Il est un petit monstre... Avec des miettes, il me rappelle quand on se dorlotait de mots quand on se froissait goulument. Je lui refuse un bout de la couette. Qu’il se réchauffe au rayon de lune. La prochaine fois, frappe avant d’entrer.

— Manon Soyer-Chaudun
Recueil : Locataire de la nuit

Ici ça va

Ici ça va Ici l’air sent l’eau, le chaud, le froid. Ici la maison sent le bâtiment fermé trop longtemps et la vie d’avant. L’escalier fait le même bruit qu’il y a 20 ans. Ici, la nuit, c’est la lune qui éclaire les arbres un peu plus chaque soir, puis de nouveau un peu. Ici les papillons de nuit viennent se cogner contre la fenêtre pour chercher un peu de lumière. Ce sont des miettes de pain sur la table et des tasses de thé qui ponctuent les pièces de vie. Des vêtements de Mamy restent dans les placards, et on les essaye tour à tour. On adopte certains, on remet les autres à leur place pour la prochaine archéologie. C’est la poussière qui se pose si vite sur les poignées, les livres, partout sauf sur les fantômes.

— Manon Soyer-Chaudun
Recueil : Locataire de la nuit

Ici, c’est se brûler au flot d’eau du lavabo de la salle de bain, car le robinet d’eau froide est bloqué. Ce sont nos quatre serviettes en quatre tons de rose sur la patère de la porte. Quatre brosses à dents dans deux verres sur la tablette, et plusieurs bouteilles de shampoing entamées sur le rebord de la baignoire. Des boites de pansements et des médicaments périmés depuis des années. Ce sont les portes qui claquent parfois à cause des courants d’air - ou des courants de mots. Ce sont les bougies qui brûlent tranquillement, la lune qui avance et les merles dans les haies. Et le pain qui cuit régulièrement, laissant son odeur passer sous les portes. Ici c’est Vollore, ici c’est nous. Ici ça va

— Manon Soyer-Chaudun
Recueil : Locataire de la nuit

Mon corps a inventé une paupière sur les odeurs et un acouphène sur les saveurs. Mon sang propre arôme pamplemousse ma confiance s’émousse Fièvre, température monde est-ce que les oranges aussi fondent? Quelques étoiles clignent derrière mes volets. Une filante pour un voeu? Quel aveu faire? Construire un feu sans début ni fin aux amours, toujours.

— Manon Soyer-Chaudun
Recueil : Locataire de la nuit

Je suis

Je suis Je suis un chemin d’herbe qui borde les marais salants, sur lequel rouler à vélo et duquel s’envolent des oiseaux d’eau. Je suis le coquelicot fragile de fin mai. Je suis la lumière chaude de fin de journée et les petits cailloux qui crissent. Je suis l’air humide d’un bord de rivière. Je suis le reflet ambré d’un lac sous les arbres. Je suis la cabane en bois à son bord habitée par un ermite un peu grognon. Je suis le chien qui le regarde sur l’autre rive et la brume qui vient le voler. Je suis l’ombre qui passe dans le regard de l’homme. Je suis la boucle d’un ceinturon de cuir. Je suis une grosse cloche en métal cuivré, martelé de figures mythologiques. Je suis le déplacement grave qui la fait. tinter. Je suis un quotidien nomade. Je suis deux chemins qui se croisent. Je suis plusieurs choix de directions. Je suis un pissenlit qui s’ouvre. Mouvement de cape. Je suis un soleil brodé sur un tissu bleu nuit, et le tambour qui le tend. Je suis un soleil qui étale mille rayons. Je suis l’air qui fait vibrer l’air des guitares, et onduler les roseaux au bord de l’eau. Je suis une ronde et le rythme qui réunit les mains. Je suis le ruban qui retient une robe, et la tente sous laquelle il se délie. Je suis un lampion qui s’envole vers le ciel. Je suis un cerf-volant en fuite. Je suis des pétales dans un herbier. Je suis un lendemain ailleurs et un surlendemain inconnu. Je suis la lumière qui décline. Je suis une suite. Je suis la poussière qui colle au vêtement et l’herbe qui s’accroche aux chaussures. Je suis le souvenir qui pousse vers demain. Je suis la fête qui s’étire. Je suis le sommeil - enfin - éreinté sous le ciel clair. Je suis une couverture en laine qui rassure. Je suis les histoires qu’on raconte et qui éveillent plus qu’elles ne bercent. Je suis les lignes invisibles qui font des colliers d’étoiles. Je suis la barque un peu instable qui traverse jusqu’à l’autre côté et la corde qui libère. Je suis le ruisseau qui danse et l’ardoise sur laquelle il coule. Je suis la sieste tranquille et les rêves qu’elle offre. Je suis les fourmis qui travaillent sans bruit. Je suis possible.

— Manon Soyer-Chaudun
Recueil : Locataire de la nuit

« Imagine un oiseau Son bec se tremperait dans l’encre pour écrire les mots d’une prière Ça serait comme une chanson pour s’envoler »

— Manon Soyer-Chaudun
Recueil : Locataire de la nuit

Il y aura eu des feux, des flammes, des aubes et des aurores pour briller fort. Il y aura eu des dessins, des lettres, des poèmes, des projets, des unissons. Des éclats de rire, des éclats de joie, des éclats de tendre. Il y aura eu des espaces, des échappées, des parenthèses, des suspensions. Il y aura eu des arc en ciel derrière les pluies.

— Manon Soyer-Chaudun
Recueil : Locataire de la nuit
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