Éternels Éclairs

Poésie et poèmes : En ton absence, tu me manques

Llor : Tableau Tu me manques

À peine séparés Chacun ses obligations Tu me manques déjà. Pour moi, à l’évidence, Tu déplaces le centre du monde Quand tu t’éloignes. L’amour toujours Le plus court chemin Pour te rejoindre.

— Stéphen Moysan
Love

Absence

Reviens, reviens, ma bien-aimée ! Comme une fleur loin du soleil, La fleur de ma vie est fermée Loin de ton sourire vermeil. Entre nos cœurs tant de distance ! Tant d'espace entre nos baisers ! Ô sort amer ! Ô dure absence ! Ô grands désirs inapaisés ! D'ici là-bas, que de campagnes, Que de villes et de hameaux, Que de vallons et de montagnes, À lasser le pied des chevaux ! Au pays qui me prend ma belle, Hélas ! Si je pouvais aller ; Et si mon corps avait une aile Comme mon âme pour voler ! Par-dessus les vertes collines, Les montagnes au front d'azur, Les champs rayés et les ravines, J'irais d'un vol rapide et sûr. Le corps ne suit pas la pensée ; Pour moi, mon âme, va tout droit, Comme une colombe blessée, S'abattre au rebord de son toit. Descends dans sa gorge divine, Blonde et fauve comme de l'or, Douce comme un duvet d'hermine, Sa gorge, mon royal trésor ; Et dis, mon âme, à cette belle : « Tu sais bien qu'il compte les jours, Ô ma colombe ! À tire d'aile Retourne au nid de nos amours. »

— Théophile Gautier (1811-1872)
La comédie de la mort

Absence

Ô Femme au cœur de qui mon triste cœur a cru, Je te convoite, ainsi qu’un trésor disparu. Je te maudis, mais en t’aimant… Mon cœur bizarre Te recherche, Émeraude admirablement rare ! Que je suis exilée ! Et que pèse le temps, Malgré le beau soleil des midis éclatants ! Retombant chaque soir dans un amer silence, Je pleure sur le plus grand des maux : sur l’absence !…

— Renée Vivien (1877-1909)
Dans un coin de violettes

L'absence

Huit jours sont écoulés depuis que dans ces plaines Un devoir importun a retenu mes pas. Croyez à ma douleur, mais ne l'éprouvez pas. Puissiez-vous de l'amour ne point sentir les peines ! Le bonheur m'environne en ce riant séjour. De mes jeunes amis la bruyante allégresse Ne peut un seul moment distraire ma tristesse ; Et mon cœur aux plaisirs est fermé sans retour. Mêlant à leur gaîté ma voix plaintive et tendre, Je demande à la nuit, je redemande au jour Cet objet adoré qui ne peut plus m'entendre. Loin de vous autrefois je supportais l'ennui ; L'espoir me consolait : mon amour aujourd'hui Ne sait plus endurer les plus courtes absences ; Tout ce qui n'est pas vous me devient odieux. Ah ! vous m'avez ôté toutes mes jouissances ; J'ai perdu tous les goûts qui me rendaient heureux. Vous seule me restez, ô mon Éléonore ! Mais vous me suffirez, j'en atteste les dieux ; Et je n'ai rien perdu, si vous m'aimez encore.

— Évariste de Parny (1753-1814)
Poésies érotiques

L'étoile qui file

Petite étoile, au sein des vastes cieux, Toi que suivaient et mon cœur et mes yeux, Toi dont j'aimais la lumière timide, Où t'en vas-tu dans ta course rapide ? Ah ! j'espérais que, dans ce ciel d'azur, Du moins pour toi le repos était sûr. Pourquoi t'enfuir, mon étoile chérie ? Pourquoi quitter le ciel de ma patrie ? Mon cœur connut le bonheur et l'amour : Amour, bonheur, tout n'a duré qu'un jour. Près d'un ami, je cherchai l'espérance... Et mon ami m'oublia dans l'absence ! Le cœur brisé, j'aimais encor les fleurs, Quand je les vis se faner sous mes pleurs ; Au ciel alors, pour n'être plus trahie, J'avais aimé.... l'étoile qui m'oublie ! Adieux à toi, belle étoile du soir ! Adieux à toi, toi, mon dernier espoir !... Errante au ciel comme moi sur la terre, En d'autres lieux va briller ta lumière. Rien n'est constant pour moi que la douleur, Rien ici-bas n'a voulu de mon cœur ; Autour de moi, tout est sombre et se voile, Et tout me fuit... même au ciel, une étoile !

— Sophie d'Arbouville (1810-1850)
Poésies et nouvelles

La Bonne Chanson X

Quinze longs jours encore et plus de six semaines Déjà ! Certes, parmi les angoisses humaines La plus dolente angoisse est celle d'être loin. On s'écrit, on se dit que l'on s'aime ; on a soin D'évoquer chaque jour la voix, les yeux, le geste De l'être en qui l'on mit son bonheur, et l'on reste Des heures à causer tout seul avec l'absent. Mais tout ce que l'on pense et tout ce que l'on sent Et tout ce dont on parle avec l'absent, persiste À demeurer blafard et fidèlement triste. Oh ! l'absence ! le moins clément de tous les maux ! Se consoler avec des phrases et des mots, Puiser dans l'infini morose des pensées De quoi vous rafraîchir, espérances lassées, Et n'en rien remonter que de fade et d'amer ! Puis voici, pénétrant et froid comme le fer, Plus rapide que les oiseaux et que les balles Et que le vent du sud en mer et ses rafales Et portant sur sa pointe aiguë un fin poison, Voici venir, pareil aux flèches, le soupçon Décoché par le Doute impur et lamentable. Est-ce bien vrai ? tandis qu'accoudé sur ma table Je lis sa lettre avec des larmes dans les yeux, Sa lettre, où s'étale un aveu délicieux, N'est-elle pas alors distraite en d'autres choses ? Qui sait ? Pendant qu'ici pour moi lents et moroses Coulent les jours, ainsi qu'un fleuve au bord flétri, Peut-être que sa lèvre innocente a souri ? Peut-être qu'elle est très joyeuse et qu'elle oublie ? Et je relis sa lettre avec mélancolie.

— Paul Verlaine (1844-1896)
La bonne chanson

Les cloches du soir

Quand les cloches du soir, dans leur lente volée, Feront descendre l'heure au fond de la vallée ; Quand tu n'auras d'amis, ni d'amours près de toi, Pense à moi ! pense à moi ! Car les cloches du soir avec leur voix sonore A ton cœur solitaire iront parler encore ; Et l'air fera vibrer ces mots autour de toi : Aime-moi ! aime-moi ! Si les cloches du soir éveillent tes alarmes, Demande au temps ému qui passe entre nos larmes : Le temps dira toujours qu'il n'a trouvé que toi, Près de moi ! près de moi ! Quand les cloches du soir, si tristes dans l'absence, Tinteront sur mon cœur ivre de ta présence : Ah ! c'est le chant du ciel qui sonnera pour toi, Et pour moi ! et pour moi !

— Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859)
Romances
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