Éternels Éclairs

Florilège de poèmes, chansons, textes, et paroles
de Léo Ferré (1916-1993)



Par Stéphen Moysan

Attention des droits d'auteurs, que nous ne possèdons pas, protègent la majorité des oeuvres ici présentes.

C'est Extra

Une robe de cuir comme un fuseau Qu'aurait du chien sans l' faire exprès Et dedans comme un matelot Une fille qui tangue un air anglais C'est extra Les Moody blues qui chantent la nuit Comme un satin de blanc marié Et dans le port de cette nuit Une fille qui tangue et vient mouiller C'est extra, C'est extra, C'est extra, C'est extra Des cheveux qui tombent comme le soir Et d' la musique en bas des reins Ce jazz qui d'jazze dans le soir Et ce mal qui nous fait du bien C'est extra Ces mains qui jouent de l'arc-en-ciel Sur la guitare de la vie Et puis ces cris qui montent au ciel Comme une cigarette qui prie C'est extra, C'est extra, C'est extra, C'est extra Ces bas qui tiennent haut perchés Comme les cordes d'un violon Et cette chair que vient troubler L'archet qui coule ma chanson C'est extra Et sous le voile à peine clos Cette touffe de noir Jésus Qui ruisselle dans son berceau Comme un nageur qu'on n'attend plus C'est extra, C'est extra, C'est extra, C'est extra Une robe de cuir comme un oubli Qu'aurait du chien sans l' faire exprès Et dedans comme un matin gris Une fille qui tangue et qui se tait C'est extra Les moody blues qui s'en balancent Cet ampli qui n' veut plus rien dire Et dans la musique du silence Une fille qui tangue et vient mourir C'est extra, C'est extra, C'est extra, C'est extra

— Léo Ferré (1916-1993)
Chanson

Jolie Môme

T' es tout' nue Sous ton pull Y'a la rue Qu' est maboule Jolie môme T' as ton coeur A ton cou Et l' bonheur Par en d'ssous Jolie môme T' as l' rimmel Qui fout l' camp C'est l' dégel Des amants Jolie môme Ta prairie Ça sent bon Fais-en don Aux amis Jolie môme T' es qu'un' fleur Du printemps Qui s' fout d' l'heure Et du temps T' es qu'un' rose Éclatée Que l'on pose A côté Jolie môme T' es qu'un brin De soleil Dans l' chagrin Du réveil T' es qu'un' vamp Qu'on éteint Comme un' lampe Au matin Jolie môme Tes baisers Sont pointus Comme un accent aigu Jolie môme Tes p'tits seins Sont du jour A la coque A l'amour Jolie môme Ta barrière De frou-frous Faut s' la faire Mais c'est doux Jolie môme Ta violette Est l' violon Qu'on violente Et c'est bon Jolie môme T' es qu'un' fleur De pass' temps Qui s' fout d' l'heure Et du temps T' es qu'un' étoile D'amour Qu'on entoile Aux beaux jours Jolie môme T' es qu'un point Sur les i Du chagrin De la vie Et qu'un' chose De la vie Qu'on arros' Qu'on oublie Jolie môme T' as qu'un' paire De mirett's Au poker Des conquêt's Jolie môme T'as qu'un' rime Au bonheur Faut qu' ça rime Ou qu' ça pleure Jolie môme T' as qu'un' source Au milieu Qu' éclabousse Du Bon Dieu Jolie môme T' as qu'un' porte En voil' blanc Que l'on pousse En chantant Jolie môme T' es qu'un' pauv' Petit' fleur Qu'on guimauv' Et qui meurt T' es qu'un' femme A r'passer Quand son âme Est froissée Jolie môme T' es qu'un' feuille De l'automne Qu'on effeuille Monotone T' es qu'un'joie En allée Viens chez moi La r'trouver Jolie môme T' es tout' nue Sous ton pull Y'a la rue Qu' est maboule Jolie môme

— Léo Ferré (1916-1993)
Chanson

La Solitude

Je suis d´un autre pays que le vôtre, d´un autre quartier, d´une autre solitude. Je m´invente aujourd´hui des chemins de traverse. Je ne suis plus de chez vous. J´attends des mutants. Biologiquement, je m´arrange avec l´idée que je me fais de la biologie : je pisse, j´éjacule, je pleure. Il est de toute première instance que nous façonnions nos idées comme s´il s´agissait d´objets manufacturés. Je suis prêt à vous procurer les moules. Mais... La solitude... La solitude... Les moules sont d´une texture nouvelle, je vous avertis. Ils ont été coulés demain matin. Si vous n´avez pas, dès ce jour, le sentiment relatif de votre durée, il est inutile de vous transmettre, il est inutile de regarder devant vous car devant c´est derrière, la nuit c´est le jour. Et... La solitude... La solitude... La solitude... Il est de toute première instance que les laveries automatiques, au coin des rues, soient aussi imperturbables que les feux d´arrêt ou de voie libre. Les flics du détersif vous indiqueront la case où il vous sera loisible de laver ce que vous croyez être votre conscience et qui n´est qu´une dépendance de l´ordinateur neurophile qui vous sert de cerveau. Et pourtant... La solitude... La solitude ! Le désespoir est une forme supérieure de la critique. Pour le moment, nous l´appellerons bonheur, les mots que vous employez n´étant plus les mots mais une sorte de conduit à travers lequel les analphabètes se font bonne conscience. Mais... La solitude... La solitude... La solitude, la solitude, la solitude... La solitude ! Le Code Civil, nous en parlerons plus tard. Pour le moment, je voudrais codifier l´incodifiable. Je voudrais mesurer vos danaïdes démocraties. Je voudrais m´insérer dans le vide absolu et devenir le non-dit, le non-avenu, le non-vierge par manque de lucidité. La lucidité se tient dans mon froc ! Dans mon froc !

— Léo Ferré (1916-1993)
Chanson

La Vie d'artiste

Je t'ai rencontré par hasard Ici ailleurs ou autre part, Il se peut que tu t'en souviennes Sans se connaître on s'est aimé Et même si ce n'est pas vrai Il faut croire à l'histoire ancienne Je t'ai donné ce que j'avais, De quoi chanter, de quoi rêver, Et tu croyais en ma bohème, Mais si tu pensais à vingt ans, Qu'on peut vivre de l'air du temps, Ton point de vue n'est plus le même. Cette fameuse fin du mois Qui depuis qu'on est toi et moi Nous reviens sept fois par semaine Et nos soirées sans cinéma, Et mon succès qui ne vient pas Et notre pitance incertaine Tu vois je n'ai rien oublié Dans ce bilan triste à pleurer, Qui constate notre faillite. Il te reste encor' de beau jours Profites-en mon pauvre amour, Les belles années passent vite. Et maintenant tu vas partir, Tous les deux nous allons vieillir, Chacun pour soi comme c'est triste Tu peux remporter le phono, Moi je conserve le piano, Je continue ma vie d'artiste. Plus tard sans trop savoir pourquoi, Un étranger un maladroit, Lisant mon nom sur une affiche, Te parlera de mes succès, Mais un peu triste, toi qui sait, Tu lui diras que je m'enfiche.

— Léo Ferré (1916-1993)
Chanson

Les Anarchistes

Y'en a pas un sur cent et pourtant ils existent La plupart Espagnols allez savoir pourquoi Faut croire qu'en Espagne on ne les comprend pas Les anarchistes Ils ont tout ramassé Des beignes et des pavés Ils ont gueulé si fort Qu'ils peuv'nt gueuler encore Ils ont le cœur devant Et leurs rêves au mitan Et puis l'âme toute rongée Par des foutues idées Y'en a pas un sur cent et pourtant ils existent La plupart fils de rien ou bien fils de si peu Qu'on ne les voit jamais que lorsqu'on a peur d'eux Les anarchistes Ils sont morts cent dix fois Pour que dalle et pour quoi ? Avec l'amour au poing Sur la table ou sur rien Avec l'air entêté Qui fait le sang versé Ils ont frappé si fort Qu'ils peuvent frapper encore Y'en a pas un sur cent et pourtant ils existent Et s'il faut commencer par les coups d'pied au cul Faudrait pas oublier qu'ça descend dans la rue Les anarchistes Ils ont un drapeau noir En berne sur l'Espoir Et la mélancolie Pour traîner dans la vie Des couteaux pour trancher Le pain de l'Amitié Et des armes rouillées Pour ne pas oublier Qu'y'en a pas un sur cent et pourtant ils existent Et qu'ils se tiennent bien le bras dessus bras dessous Joyeux, et c'est pour ça qu'ils sont toujours debout Les anarchistes

— Léo Ferré (1916-1993)
Chanson

Les Poètes

Ce sont de drôl's de typ's qui vivent de leur plume Ou qui ne vivent pas c'est selon la saison Ce sont de drôl's de typ's qui traversent la brume Avec des pas d'oiseaux sous l'aile des chansons Leur âme est en carafe sous les ponts de la Seine Leurs sous dans les bouquins qu'ils n'ont jamais vendus Leur femm' est quelque part au bout d'une rengaine Qui nous parle d'amour et de fruit défendu Ils mettent des couleurs sur le gris des pavés Quand ils marchent dessus ils se croient sur la mer Ils mettent des rubans autour de l'alphabet Et sortent dans la rue leurs mots pour prendre l'air Ils ont des chiens parfois compagnons de misère Et qui lèchent leurs mains de plume et d'amitié Avec dans le museau la fidèle lumière Qui les conduit vers les pays d'absurdité Ce sont de drôl's de typ's qui regardent les fleurs Et qui voient dans leurs plis des sourires de femme Ce sont de drôl's de typ's qui chantent le malheur Sur les pianos du coeur et les violons de l'âme Leurs bras tout déplumés se souviennent des ailes Que la littérature accrochera plus tard A leur spectre gelé au-dessus des poubelles Où remourront leurs vers comme un effet de l'Art lls marchent dans l'azur la tête dans les villes Et savent s'arrêter pour bénir les chevaux Ils marchent dans l'horreur la tête dans des îles Où n'abordent jamais les âmes des bourreaux Ils ont des paradis que l'on dit d'artifice Et l'on met en prison leurs quatrains de dix sous Comme si l'on mettait aux fers un édifice Sous prétexte que les bourgeois sont dans l'égout...

— Léo Ferré (1916-1993)
Chanson

Les Romantiques

Ils prenaient la rosée pour du rosé d´Anjou Et la lune en quartiers pour Cartier des bijoux Les romantiques Ils mettaient des tapis sous les pattes du vent Ils accrochaient du crêpe aux voiles du printemps Les romantiques Ils vendaient le Brésil en prenant leur café Et mouraient de plaisir pour ouvrir un baiser Et regarder dedans briller le verbe aimer Et le mettre au présent bien qu´il fût au passé Ils ont le mal du siècle et l´ont jusqu´à cent ans Autrefois de ce mal, ils mouraient à trente ans Les romantiques Ils ont le cheveu court et vont chez Dorian Guy S´habiller de British ou d´Italiâneries Les romantiques Ils mettent leurs chevaux dans le camp des Jaguar En fauchant leur avoine aux prairies des trottoirs Avec des bruits de fers qui n´ont plus de sabots Et des hennissements traduits en stéréo Ils mettaient la Nature au pied de leurs chansons Ils mettent leur voiture au pied de leurs maisons Les romantiques Ils regardaient la nuit dans un chagrin d´enfant Ils regardent l´ennui sur un petit écran Les romantiques Ils recevaient chez eux dans les soirs de misère Des gens « vêtus de noir » qu´ils prenaient pour leurs frères Aujourd´hui c´est pareil mais, fraternellement Ils branchent leur destin aux « abonnés absents »

— Léo Ferré (1916-1993)
Chanson

Ni Dieu Ni Maître

La cigarette sans cravate Qu'on fume à l'aube démocrate Et le remords des cou-de-jattes Avec la peur qui tend la patte Le ministère de ce prêtre Et la pitié à la fenêtre Et le client qui n'a peut-être Ni Dieu ni maître Le fardeau blême qu'on emballe Comme un paquet vers les étoiles Qui tombent froides sur la dalle Et cette rose sans pétales Cet avocat à la serviette Cette aube qui met la voilette Pour des larmes qui n'ont peut-être Ni Dieu ni maître Ces bois que l'on dit de justice Et qui poussent dans les supplices Et pour meubler le sacrifice Avec le sapin de service Cette procédure qui guette Ceux que la société rejette Sous prétexte qu'ils n'ont peut-être Ni Dieu ni maître Cette parole d'Evangile Qui fait plier les imbéciles Et qui met dans l'horreur civile De la noblesse et puis du style Ce cri qui n'a pas la rosette Cette parole de prophète Je la revendique et vous souhaite Ni Dieu ni maître

— Léo Ferré (1916-1993)
Chanson

Paname

Paname On t'a chanté sur tous les tons Y'a plein d' parol's dans tes chansons Qui parl'nt de qui de quoi d' quoi donc Paname Moi c'est tes yeux moi c'est ta peau Que je veux baiser comme il faut Comm' sav'nt baiser les gigolos Paname Rang' tes marlous rang' tes bistrots, Rang' tes pépées rang' tes ballots, Rang' tes poulets rang' tes autos Paname Et viens m'aimer comme autrefois, La nuit surtout quand toi et moi On marchait vers on n' savait quoi Paname Y'a des noms d' rues que l'on oublie, C'est dans ces rues qu'après minuit, Tu m' faisais voir ton p'tit Paris Paname Quand tu chialais dans tes klaxons, Perdue là-bas parmi les homm's Tu v'nais vers moi comme un' vraie môme Paname Ce soir j'ai envie de danser, De danser avec tes pavés Que l' monde regarde avec ses pieds Paname T' es bell' tu sais sous tes lampions, Des fois quand tu pars en saison Dans les bras d'un accordéon. Paname, Quand tu t'habill's avec du bleu, Ça fait sortir les amoureux Qui dis'nt « à Paris tous les deux » Paname, Quand tu t'habill's avec du gris, Les couturiers n'ont qu'un souci, C'est d' fout' en gris tout's les souris. Paname, Quand tu t'ennuies tu fais les quais, Tu fais la Seine et les noyés, Ça fait prend' l'air et ça distrait, Paname, C'est fou c' que tu peux fair' causer, Mais les gens n'sav'nt pas qui tu es, lls viv'nt chez toi mais t' voient jamais. Paname, L' soleil a mis son pyjama Toi tu t'allum's et dans tes bras Y'a m'sieur Haussmann qui t' fait du plat, Paname, Monte avec moi combien veux-tu? Y'a deux mille ans qu' t' es dans la rue, Des fois que j' te r'fasse un' vertu. Paname Si tu souriais j'aurais ton charme, Si tu pleurais j'aurais tes larmes, Si on t' frappait j' prendrais les armes, Paname, Tu n'es pas pour moi qu'un frisson Qu'une idée qu'un' fille à chansons Et c'est pour ça que j' crie ton nom... Paname, Paname, Paname, Paname

— Léo Ferré (1916-1993)
Chanson

Poète, vos papiers !

Bipède volupteur de lyre Epoux châtré de Polymnie Vérolé de lune à confire Grand-Duc bouillon des librairies Maroufle à pendre à l'hexamètre Voyou décliné chez les Grecs Albatros à chaîne et à guêtres Cigale qui claque du bec Poète, vos papiers ! Poète, vos papiers ! J'ai bu du Waterman et j'ai bouffé Littré Et je repousse du goulot de la syntaxe A faire se pâmer les précieux à l'arrêt La phrase m'a poussé au ventre comme un axe J'ai fait un bail de trois six neuf aux adjectifs Qui viennent se dorer le mou à ma lanterne Et j'ai joué au casino les subjonctifs La chemise à Claudel et les cons dits « modernes » Syndiqué de la solitude Museau qui dévore du couic Sédentaire des longitudes Phosphaté des dieux chair à flic Colis en souffrance à la veine Remords de la Légion d'honneur Tumeur de la fonction urbaine Don Quichotte du crève-coeur Poète, vos papiers ! Poète, Papier ! Le dictionnaire et le porto à découvert Je débourre des mots à longueur de pelure J'ai des idées au frais de côté pour l'hiver A rimer le bifteck avec les engelures Cependant que Tzara enfourche le bidet A l'auberge dada la crotte est littéraire Le vers est libre enfin et la rime en congé On va pouvoir poétiser le prolétaire Spécialiste de la mistoufle Emigrant qui pisse aux visas Aventurier de la pantoufle Sous la table du Nirvana Meurt-de-faim qui plane à la Une Ecrivain public des croquants Anonyme qui s'entribune A la barbe des continents Poète, vos papiers ! Poète, documenti ! Littérature obscène inventée à la nuit Onanisme torché au papier de Hollande Il y a partouze à l'hémistiche mes amis Et que m'importe alors Jean Genet que tu bandes La poétique libérée c'est du bidon Poète prends ton vers et fous-lui une trempe Mets-lui les fers aux pieds et la rime au balcon Et ta muse sera sapée comme une vamp Citoyen qui sent de la tête Papa gâteau de l'alphabet Maquereau de la clarinette Graine qui pousse des gibets Châssis rouillé sous les démences Corridor pourri de l'ennui Hygiéniste de la romance Rédempteur falot des lundis Poète, vos papiers ! Poète, salti ! Que l'image soit rogue et l'épithète au poil La césure sournoise certes mais correcte Tu peux vêtir ta Muse ou la laisser à poil L'important est ce que ton ventre lui injecte Ses seins oblitérés par ton verbe arlequin Gonfleront goulûment la voile aux devantures Solidement gainée ta lyrique putain Tu pourras la sortir dans la Littérature Ventre affamé qui tend l'oreille Maraudeur aux bras déployés Pollen au rabais pour abeille Tête de mort rasée de frais Rampant de service aux étoiles Pouacre qui fait dans le quatrain Masturbé qui vide sa moelle A la devanture du coin Poète... circulez ! Circulez poète ! Circulez !

— Léo Ferré (1916-1993)
Chanson

Vingt Ans

Pour tout bagage on a vingt ans On a l'expérience des parents On se fout du tiers comme du quart On prend l' bonheur toujours en retard Quand on aime c'est pour tout' la vie Cette vie qui dur' l'espace d'un cri D'un' permanent' ou d'un blue jean Et pour le reste on imagine Pour tout bagage on a sa gueule Quand elle est bath ça va tout seul Quand elle est moche on s'habitue On s' dit qu'on est pas mal foutu On bat son destin comme les brêmes On touche à tout on dit je t'aime Qu'on soit d' la Balance ou du Lion On s'en balance on est des lions... Pour tout bagage on a vingt ans On a des réserves de printemps Qu'on jetterait comme des miettes de pain A des oiseaux sur le chemin Quand on aime c'est jusqu'à la mort On meurt souvent et puis l'on sort On va griller un' cigarette L'amour ça s' prend et puis ça s' jette Pour tout bagage on a sa gueule Qui cause des fois quand on est seul C'est c' qu'on appelle la voix du dedans Ça fait parfois un d' ces boucans Pas moyen de tourner le bouton De cette radio on est marron On passe à l'examen d' minuit Et quand on pleure on dit qu'on rit... Pour tout bagage on a vingt ans On a un' rose au bout des dents Qui vit l'espace d'un soupir Et qui vous pique avant d' mourir Quand on aime c'est pour tout ou rien C'est jamais tout c'est jamais rien Ce rien qui fait sonner la vie Comme un réveil au coin du lit Pour tout bagage on a sa gueule Devant la glace quand on est seul Qu'on ait été chouette ou tordu Avec les ans tout est foutu Alors on maquille le problème On s' dit qu' y'a pas d'âg' pour qui s'aime Et en cherchant son coeur d'enfant On dit qu'on a toujours vingt ans...

— Léo Ferré (1916-1993)
Chanson
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