Éternels Éclairs

Elle se fortifie dans les épreuves Et grandit avec le temps Si l’on est un peu fleur bleue On se fait cueillir. La loyauté est pour elle Un bien qu’on veut fidèle Une amitié sans confiance Est un bouquet sans pétale.

1-2 Mazouz Hacène : L'amitié se fortifie dans les épreuves et grandit avec le temps.
7-8 Inconnu : Une amitié sans confiance est une fleur sans pétale.
Mixage poétique : Stéphen Moysan
— Stéphen Moysan
Les Enigmes

A M. A. T.

Ainsi, mon cher ami, vous allez donc partir ! Adieu ; laissez les sots blâmer votre folie. Quel que soit le chemin, quel que soit l’avenir, Le seul guide en ce monde est la main d’une amie. Vous me laissez pourtant bien seul, moi qui m’ennuie. Mais qu’importe ? L’espoir de vous voir revenir Me donnera, malgré les dégoûts de la vie, Ce courage d’enfant qui consiste à vieillir. Quelquefois seulement, près de votre maîtresse, Souvenez-vous d’un coeur qui prouva sa noblesse Mieux que l’épervier d’or dont mon casque est armé ; Qui vous a tout de suite et librement aimé, Dans la force et la fleur de la belle jeunesse, Et qui dort maintenant à tout jamais fermé.

— Alfred de Musset (1810-1857)
Poésies nouvelles

A M. V. H.

Il faut, dans ce bas monde, aimer beaucoup de choses, Pour savoir, après tout, ce qu’on aime le mieux, Les bonbons, l’Océan, le jeu, l’azur des cieux, Les femmes, les chevaux, les lauriers et les roses. Il faut fouler aux pieds des fleurs à peine écloses ; Il faut beaucoup pleurer, dire beaucoup d’adieux. Puis le coeur s’aperçoit qu’il est devenu vieux, Et l’effet qui s’en va nous découvre les causes. De ces biens passagers que l’on goûte à demi, Le meilleur qui nous reste est un ancien ami. On se brouille, on se fuit. Qu’un hasard nous rassemble, On s’approche, on sourit, la main touche la main, Et nous nous souvenons que nous marchions ensemble, Que l’âme est immortelle, et qu’hier c’est demain.

— Alfred de Musset (1810-1857)
Poésies nouvelles

A Mme du Châtelet

« Si vous voulez que j’aime encore, Rendez-moi l’âge des amours ; Au crépuscule de mes jours Rejoignez, s’il se peut, l’aurore. Des beaux lieux où le dieu du vin Avec l’Amour tient son empire, Le Temps, qui me prend par la main, M’avertit que je me retire. De son inflexible rigueur Tirons au moins quelque avantage. Qui n’a pas l’esprit de son âge, De son âge a tout le malheur. Laissons à la belle jeunesse Ses folâtres emportements. Nous ne vivons que deux moments : Qu’il en soit un pour la sagesse. Quoi ! pour toujours vous me fuyez, Tendresse, illusion, folie, Dons du ciel, qui me consoliez Des amertumes de la vie ! On meurt deux fois, je le vois bien : Cesser d’aimer et d’être aimable, C’est une mort insupportable ; Cesser de vivre, ce n’est rien. » Ainsi je déplorais la perte Des erreurs de mes premiers ans ; Et mon âme, aux désirs ouverte, Regrettait ses égarements. Du ciel alors daignant descendre, L’Amitié vint à mon secours ; Elle était peut-être aussi tendre, Mais moins vive que les Amours. Touché de sa beauté nouvelle, Et de sa lumière éclairé, Je la suivis ; mais je pleurai De ne pouvoir plus suivre qu’elle.

— Voltaire (1694-1778)
Non renseigné

A mon ami Alfred T.

Dans mes jours de malheur, Alfred, seul entre mille, Tu m’es resté fidèle où tant d’autres m’ont fui. Le bonheur m’a prêté plus d’un lien fragile ; Mais c’est l’adversité qui m’a fait un ami. C’est ainsi que les fleurs sur les coteaux fertiles Etalent au soleil leur vulgaire trésor ; Mais c’est au sein des nuits, sous des rochers stériles, Que fouille le mineur qui cherche un rayon d’or. C’est ainsi que les mers calmes et sans orages Peuvent d’un flot d’azur bercer le voyageur ; Mais c’est le vent du nord, c’est le vent des naufrages Qui jette sur la rive une perle au pêcheur. Maintenant Dieu me garde ! Où vais-je ? Eh ! que m’importe ? Quels que soient mes destins, je dis comme Byron : « L’Océan peut gronder, il faudra qu’il me porte. » Si mon coursier s’abat, j’y mettrai l’éperon. Mais du moins j’aurai pu, frère, quoi qu’il m’arrive, De mon cachet de deuil sceller notre amitié, Et, que demain je meure ou que demain je vive, Pendant que mon coeur bat, t’en donner la moitié.

— Alfred de Musset (1810-1857)
Premières poésies

Alchimie de l’amitié

Alchimie de l’amitié Rayonnant dans mon âme Le trésor vrai d’être aimé Plus que tout est le charme De cette joie qui enflamme La nuit, si belle à mes yeux Une poésie vole en éclats C’est un constat fabuleux Mes amis brûlent d’un feu Que le grand soleil n’a pas !

— Stéphen Moysan
Efflorescence d'un adieu

Amitié de femme

(À Madame L. sur son album) Amitié, doux repos de l'âme, Crépuscule charmant des cœurs, Pourquoi dans les yeux d'une femme As-tu de plus tendres langueurs ? Ta nature est pourtant la même ! Dans le cœur dont elle a fait don Ce n'est plus la femme qu'on aime, Et l'amour a perdu son nom. Mais comme en une pure glace Le crayon se colore mieux, Le sentiment qui le remplace Est plus visible en deux beaux yeux. Dans un timbre argentin de femme Il a de plus tendres accents : La chaste volupté de l'âme Devient presque un plaisir des sens. De l'homme la mâle tendresse Est le soutien d'un bras nerveux, Mais la vôtre est une caresse Qui frissonne dans les cheveux. Oh ! laissez-moi, vous que j'adore Des noms les plus doux tour à tour, O femmes, me tromper encore Aux ressemblances de l'amour ! Douce ou grave, tendre ou sévère, L'amitié fut mon premier bien : Quelque soit la main qui me serre, C'est un cœur qui répond au mien. Non, jamais ma main ne repousse Ce symbole d'un sentiment ; Mais lorsque la main est plus douce, Je la serre plus tendrement.

— Alphonse de Lamartine (1790-1869)
Recueillements poétiques

Amitié fidèle

(Sur la mort d'Iris en 1654.) Parmi les doux transports d'une amitié fidèle, Je voyais près d'Iris couler mes heureux jours : Iris que j'aime encore, et que j'aimerai toujours, Brûlait des mêmes feux dont je brûlais pour elle : Quand, par l'ordre du ciel, une fièvre cruelle M'enleva cet objet de mes tendres amours ; Et, de tous mes plaisirs interrompant le cours, Me laissa de regrets une suite éternelle. Ah ! qu'un si rude coup étonna mes esprits ! Que je versais de pleurs ! que je poussais de cris ! De combien de douleurs ma douleur fut suivie ! Iris, tu fus alors moins à plaindre que moi : Et, bien qu'un triste sort t'ait fait perdre la vie, Hélas ! en te perdant j'ai perdu plus que toi.

— Nicolas Boileau (1636-1711)
Poésies diverses

Ce que veut l'amitié

Ami, j'entends bien tes maximes, Tes avis, tes conseils, tes vœux, Et, dans nos entretiens intimes, J'ai même entendu tes aveux ; Et pour tout cela mon cœur t'aime Mais tout cela n'est pas toi-même, Et c'est toi-même que je veux.

— Henri-Frédéric Amiel (1821-1881)
Il penseroso

Le pot de terre et le pot de fer

Le Pot de fer proposa Au Pot de terre un voyage. Celui-ci s’en excusa, Disant qu’il ferait que sage De garder le coin du feu : Car il lui fallait si peu, Si peu, que la moindre chose De son débris serait cause. Il n’en reviendrait morceau. Pour vous, dit-il, dont la peau Est plus dure que la mienne, Je ne vois rien qui vous tienne. – Nous vous mettrons à couvert, Repartit le Pot de fer. Si quelque matière dure Vous menace d’aventure, Entre deux je passerai, Et du coup vous sauverai. Cette offre le persuade. Pot de fer son camarade Se met droit à ses côtés. Mes gens s’en vont à trois pieds, Clopin-clopant comme ils peuvent, L’un contre l’autre jetés Au moindre hoquet qu’ils treuvent. Le Pot de terre en souffre ; il n’eut pas fait cent pas Que par son compagnon il fut mis en éclats, Sans qu’il eût lieu de se plaindre. Ne nous associons qu’avecque nos égaux. Ou bien il nous faudra craindre Le destin d’un de ces Pots.

— Jean de la Fontaine (1621-1695)
Les Fables
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