Éternels Éclairs

Florilège de Poèmes
de Michelle Grenier


Découvrir le site officiel de Michelle Grenier

Par Stéphen Moysan

Attention des droits d'auteurs, que nous ne possèdons pas, protègent la majorité des oeuvres ici présentes.

Barcarolle

Il est une île, forêt vierge, Lagune alanguie Aux cheveux d'algues marines. Elle dévoile ses seins aux murènes, Offre l’ocre de sa peau Au sable mordoré. Il souffle des vents chauds Dans le brun de ses yeux, Elle est mon île Aux embruns de rosée, Elle est venue mouiller Au ressac des criques, J’ai chuchoté son nom À l’écho des rochers : Barcarolle, barcarolle Aux roulis de tango Allons naviguer ensemble Là où jamais rien ne tremble Que la vague de tes yeux. Il gazouille en mon île Un joyeux colibri Où je hume à longs traits Une écume vanille. Mon îlot, terre promise Une brise d’ailleurs, Où j'ai posé l'ancre De mon cœur.

— Michelle Grenier
Poémienne

Beauté naufragée

Pour toi, je pêcherai La beauté naufragée Sur les écailles des mers, Butinerai l'amour Dans tes veines-lumière. Pour toi, j’égorgerai le soleil, Le boirai à tes lèvres. Pour toi, j’enfanterai L’océan, les astres, La rivière souterraine. Pour toi, je marcherai contre le vent Grimperai le chemin de crête. Pour toi, je mentirai comme je respire De fabuleux songes, Ceux qui sommeillent Dans la pupille des chats. Je soufflerai les naseaux de l’écume, Et je noierai la lune À l’eau de nos âmes emmêlées L’une à l’autre.

— Michelle Grenier
Poémienne

Braconnière

J’irai glaner hors des sentiers les herbes folles et leurs paroles. Je tisserai les couplets lianes les éraflés de la bourrasque. Lâcher les mots sans muselière, tous les mordus de la poussière. Mots amulettes qui allument La prunelle de tes yeux. Brûler les vers pour en extraire l’âcre senteur qui prend le cœur. Des mots ouverts, en harmonie pas des momies, de joyeux mômes, ceux qu’on ravit à la beauté, voyelles à gorge déployée. Je rugirai les mots qui feulent, les minis- mots qui font un max. J’hululerai les cris hiboux effrayés de leur propre audace. Rendez-moi mon stylo que j’écrive sur le vif les mots braconnés tout haillonneux vêtus à la diable. Imprimer les florilèges pattes étoilées sur la neige. écosser les mots nouvelets extra frais jaillis de leur gousse. Je fendrai leur coque de noix : Quatre consonnes et trois voyelles : Rebelle

— Michelle Grenier
Poémienne

Debout

Tes petits bras ouverts, Effronté funambule,   Ta démarche titube, Cent fois, tu tomberas Et te relèveras, Plus hardi qu’un sioux. Têtu, tu déambules La mine conquérante Mirettes écarquillées, Surpris de ton exploit Tu fais ton premier pas ! Du haut de tes un an Un grand pas de géant Te voici petit homme J’applaudis ta victoire, J’ai le cœur montgolfière Tant je suis fière de toi. Le monde est à l’envers Il marche sur la tête, Mais nous, main dans la main, Nous marcherons demain Debout, mon petit bout Envers et contre tout.

— Michelle Grenier
Poémienne

Hibou

Guetteur des lunes bleues, Blême sentinelle de nos rêves, Sur la branche d’un if Grand Duc, de quel royaume Tiens-tu cet air déchu ? Tu parchemines les feuilles À l’envers des nervures Où sans fin tu ratures Ton poème rapace : Chant bref, acéré, Les serres sur l'écorce Et la plume qui griffe. Encre bleue, encre noire, Tu lacères à vif L’écran blanc de l’éternité. Dans ta prunelle luit Le feu des galaxies. Ulule tout ton saoul, Donne le la à la nuit Mon effraie de velours Et broies ton noir, Hibou Tu fais neiger la suie Tapie dans la nuit blanche.

— Michelle Grenier
Poémienne

Je t’attends

Je t’attends à la saison des pluies Ton nom frétille sur ma langue Un poisson dans une calanque. Je t’attends au cœur des forêts Inextricables, éclaboussées. Pour toi je tisserai un nid Tressé de feuilles et de geai. Je t’attends comme la rosée Lampée au ventre des sources. J’entends le tambour de tes pieds Cogner la danse nouvelle née. La terre est ronde sous mes seins Là où ton cœur bat tout son plein. Je t’attends toi, le marin de mon ventre, Traverse les mers inconnues Et les grottes marines ! J’attends à l’heure des marées Ton cri qui fait tout chavirer.

— Michelle Grenier
Poémienne

L’herboriste

Perdu dans la jungle des herbes aromatiques Et des millepertuis gaspillant leur senteur, Un scarabée doré chemine avec lenteur Tel un vieil herboriste au fond de sa boutique. Poursuivant l’entrelacs au jardin bucolique, Il distille bleuet, thym, romarin en fleurs, Quand joli Mai muguette, parfumé de bonheur À petits pas fourchus s’enivre à l’alambic. Il marche de guingois sous le rhododendron À la mi-nuit se perd au fourmillant buisson Où les phares-luciole éclairent l’égaré. Sait-il beau scarabée qu’il est revêtu d’or ? Quand la voleuse pie le prend pour un trésor Et cache son larcin dans son nid bigarré.

— Michelle Grenier

Les cousins Rat

Campagnol, rat des champs, Récolte cent patates. « Épatant ! Allons porter un sac de rattes Au rat de bibliothèque, mon cousin. » Au coup de sonnette, Le rat des livres reste sourd La terre peut s’écrouler, Il n’en a cure, plongé dans sa lecture. Campagnol entre à tâtons : Des rayons de livres jusqu’au plafond ! Il voit l’érudit perché sur un escabeau Aussi boiteux que lui, Un grimoire sous ses lorgnons. Nom d’une ratte, qu’il est rachitique ! A-t-il oublié le goût d’un bon dîner ? Campagnol, étouffé par l’air confiné Se met à tousser. -Qui vient ici me déranger ? -Cousin, voici un sac de patates. -Ah ! C’est vous le rustique ? Et bien vous repasserez : Je dévore un livre de pataphysique.

— Michelle Grenier

Liseron

Ombrelle à coccinelle, Petit bol de rosée, A toi je me lie Liseron, J’aime ton teint si pâle Ton parfum virginal Qui jamais ne s’impose, Il ne vient pas à moi Comme celui de la rose. Il est subtil et doux, S’amourache et s’enlace D’un amour si tenace. Liseron, Au fil des tourbillons A tissé broderie, Si longue rêverie.

— Michelle Grenier
Poémienne

Manouche

Sois fort, sois fier, sois farouche Toi le gitan, toi le manouche, Rôdeur indompté de naissance, Le vent te la joue en cadence Tu sais à temps mettre les voiles Sous le ciel haut, clouté d’étoiles. Ton drapeau, c’est tout un poème, Que ta voix fait flotter, si haut. Sois fort, sois fier, sois farouche, Toi l’exilé, toi le Manouche, Ta guitare, impossible tempo Cavale, cavale à tous les échos Tes doigts en guise de chevaux Entre cantate et flamenco. Ton drapeau, c’est tout un poème, Que ta voix fait flotter, si haut. Ton chant brave la terre entière Et nous met le cœur à l’envers, Dans le tourbillon des crinières. Mille grelots bruissent dans l’air Tintés d’un rire au long sanglot.

— Michelle Grenier

Nuit étoilée Van Gogh

Tout le monde ne peut chanter Mais tu fais chanter tes pinceaux, Feux follets échevelés de comètes. Déboussolé dans ta quête, Tu peins le village enraciné, Vertige de l’étoile. Ô ! Que danse l’éternité Dans la nuit étoilée. Eclat sombre d’un nocturne Au noir fondant velouté, Hululement taciturne Bruissement des taillis Tu peins le giron de la nuit. Il te plaît d’éclairer la nuit De ton œil sans sommeil. La ténèbre est une toile Au beau fouillis des claires étoiles. Et tu veilles, ne trouvant nul repos Si ce n’est de peindre La nuit intensément bleue Bleu mystérieux des songes. Dans un noir si bleu L’on mourrait sans regret, Ô juste le temps d’un vœu : Que la nuit reste bleue.

— Michelle Grenier

Poémienne

Dans les lignes de ses mains Elle écrit mille fêlures Celles qui ouvrent les chemins À l’envers des nervures. À travers les champs du monde Nul ne sait si elle est Océanienne, métis Indienne Fille du vent ou Poémienne. Elle valse entre terre et ciel Se déhanchant aux hémisphères Et pas besoin de passeport ! À la proue des brisants, Elle va du côté qui tangue Car elle est matelote Et ne s’effarouche guère Des rafales à venir. Sa botte secrète, c’est le mot Qui fend l’écume Et ricoche à tous les échos. Elle est cet oiseau prunelle Aux longs cils fougère Qui voit le monde et vous l’offre. Elle jouit du temps que voilà Tant qu’elle respire, Elle chantera.

— Michelle Grenier
Poémienne

Van Gogh peint

Ailes brisées le ciel Coasse un noir dessein Aux soleils barbares. D’un champ sous le ciel noir S’envolent les corbeaux. Tu noues et dénoues les oliviers, Leur obscur désir de lumière. Ta peinture hurle Des typhons de couleur Que nul cri n’efface. Sur la toile tournoie Un temps criblé de plomb. Vertige de l’effroi Tourbillon des trous noirs Astres hallucinés Lumières fossiles Effarées d’elles-mêmes. Van Gogh, tu écrases Un ocre fauve. Ton âme tournesol tourne Vers le soleil en quête D’une embellie peut-être.

— Michelle Grenier
Poémienne

Venue vers toi

Je suis venue dans le vent nu de plus loin que la nuit à pas de biche et de buis habillée par la brume et chaussée par le vent le cœur cognant comme un géant. Dans le vent nu je suis venue, à pas de fougères et de menthe tissant les feuilles qui enchantent les haut bois des forêts. Venue vers toi du fond des nuits rôdeuse habillée de pluie, j’ai couru, enjambé les rus haletant la saison féconde, voleuse de chèvrefeuille le vent m’a prise sur le fait. Mais le plus beau de mes larcins, ce sont tes yeux, lunes vivantes.

— Michelle Grenier
Poémienne
}