La chanson des métiers
Ceux qui tiennent le soc, la truelle ou la lime,
Sont plus heureux que vous, enfants de l’art sublime !
Chaque jour les vient secourir
Dans leurs quotidiennes misères ;
Mais vous, les travailleurs pensifs aux mains légères,
Vos ouvrages vous font mourir.
L’austère paysan laboure pour les autres,
Et ses rudes travaux sont pires que les vôtres ;
Mais il retient, pour se nourrir,
Sa part des gerbes étrangères ;
Vous qui chantez, tressant des guirlandes légères,
Les moissons vous laissent mourir.
Le rouge forgeron, dans la nuit de sa forge,
Sue au brasier brûlant qui lui sèche la gorge ;
Mais il boit, sans les voir tarir,
Les petits vins dans les gros verres ;
Et vous qui ciselez l’or des coupes légères,
Les celliers vous laissent mourir.
Le pâle tisserand, courbé devant ses toiles,
Ne contemple jamais l’azur ni les étoiles ;
Mais il parvient à se couvrir,
La froidure ne l’atteint guères ;
Vous qui tramez le rêve en dentelles légères,
Les longs hivers vous font mourir.
L’audacieux maçon qui, d’étage en étage,
Suspend sa vie au mince et frêle échafaudage
A bien des dangers à courir ;
Mais ses fils auront des chaumières ;
Vous qui dressez vers Dieu des échelles légères,
Sans foyer vous devez mourir.
Tous vaincus, mais en paix avec la destinée,
Aux approches du soir, la tâche terminée,
Reviennent aimer sans souffrir
Près des robustes ménagères ;
Vous qui poursuivez l’âme aux caresses légères,
Les tendresses vous font mourir.
Les solitudes
Du même auteur
Les Poèmes de Sully Prudhomme de A à Z

- À Alfred de Musset
- À Auguste Brachet
- À Douarnenez en Bretagne
- À Joseph de Laborde
- À Kant
- À Madame A. G. de B.
- À Ronsard
- À Théophile Gautier
- À l’Océan
- À la Nuit
- À la petite Suzanne D
- À l’hirondelle
- À ma soeur
- À un Trappiste
- À un désespéré
- À une belle enfant
- Abdication
- Au Bal de l’Opéra
- Au bord de l’eau
- Au désir
- Au jour le jour
- Au prodigue
- Aux amis inconnus
- Aux conscrits
- Aux poètes futurs
- Aux tuileries

- L'alphabet
- L'amour maternelle
- L'automne
- L'étranger
- L’Abîme
- L’Ambition
- L’Âme
- L’Amérique
- L’Art
- L’Art sauveur
- L’Axe du monde
- L’Épée
- L’Escalier de l’Ara Coeli
- L’Habitude
- L’Idéal
- L’Imagination
- L’Inspiration
- L’Océan
- L’Ombre
- La Chanson de l’Air
- La Confession
- La Falaise
- La Femme
- La Folle
- La Forme
- La Grande Ourse
- La Joie
- La Lutte
- La Lutte
- La Malade
- La Mémoire
- La Néréide
- La Note
- La Parole
- La Patrie
- La Pescheria
- La Place Navone
- La Place Saint-Jean-de-Latran
- La Poésie
- La Pointe du Raz
- La Prière
- La Puberté
- La Roue
- La Terre et l’Enfant
- La Trace humaine
- La Vie de loin
- La Voie Appienne
- La beauté
- La bouture
- La chanson des métiers
- La colombe et le lis
- La coupe
- La grande allée
- La grande chartreuse
- La laide
- La lyre et les doigts
- La mer
- La pensée
- La reine du bal
- La valse
- La vertu
- La vieillesse
- La voie lactée
- La volupté
- L’agonie
- L’art et l’amour
- L’art trahi
- Le Colisée
- Le Doute
- Le Fer
- Le Galop
- Le Gué
- Le Joug
- Le Jour et la Nuit
- Le Lever du soleil
- Le Lion
- Le Long du quai
- Le Monde à nu
- Le Passé
- Le Rendez-vous
- Le Travail
- Le Vase brisé
- Le Vent
- Le conscrit
- Le cygne
- Le dernier adieu
- Le lit de Procuste
- Le meilleur moment des amours
- Le missel
- Le Monde des Âmes
- Le nom
- Le peuple s’amuse
- Le premier deuil
- Le réveil
- Le rire
- Le signe
- Le temps perdu
- Le vase et l’oiseau
- Le vers ne nous vient pas
- Le volubilis
- L’épousée
- Les Adieux
- Les Ailes
- Les Berceaux
- Les Blessures
- Les Chaînes
- Les Danaïdes
- Les Deux vertiges
- Les Dieux
- Les Fleurs
- Les Marbres
- Les Oiseaux
- Les Ouvriers
- Les Téméraires
- Les Transtévérines
- Les Vénus
- Les Voluptés
- Les Yeux
- Les amours terrestres
- Les caresses
- Les deux chutes
- Les fils
- Les infidèles
- Les serres et les bois
- Les stalactites
- Les vieilles maisons
- Les villages sont pleins
- Les voici
- L’étoile au coeur
- L’indifférence
- L’obstacle
- L’une d’elles