Éternels Éclairs


La voie lactée

Aux étoiles j’ai dit un soir :
" Vous ne paraissez pas heureuses ;
Vos lueurs, dans l’infini noir,
Ont des tendresses douloureuses ;
" Et je crois voir au firmament
Un deuil blanc mené par des vierges
Qui portent d’innombrables cierges
Et se suivent languissamment.
" Êtes-vous toujours en prière ?
Êtes-vous des astres blessés ?
Car ce sont des pleurs de lumière,
Non des rayons, que vous versez
" Vous, les étoiles, les aïeules
Des créatures et des dieux,
Vous avez des pleurs dans les yeux ... "
Elles m’ont dit : " Nous sommes seules ...
" Chacune de nous est très loin
Des soeurs dont tu la crois voisine ;
Sa clarté caressante et fine
Dans sa patrie est sans témoin ;
" Et l’intime ardeur de ses flammes
Expire aux cieux indifférents. "
Je leur ai dit : " Je vous comprends !
Car vous ressemblez à des âmes :
" Ainsi que vous, chacune luit
Loin des soeurs qui semblent près d’elle,
Et la solitaire immortelle
Brûle en silence dans la nuit. "

— Sully Prudhomme,
Les solitudes

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Les Poèmes de Sully Prudhomme de A à Z

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