Éternels Éclairs


Le Doute

La blanche Vérité dort au fond d'un grand puits.
Plus d'un fuit cet abîme ou n'y prend jamais garde ;
Moi, par un sombre amour, tout seul je m'y hasarde,
J'y descends à travers la plus noire des nuits.

Et j'entraîne le câble aussi loin que je puis.
Or, je l'ai déroulé jusqu'au bout : je regarde,
Et, les bras étendus, la prunelle hagarde,
J'oscille sans rien voir ni rencontrer d'appuis.

Elle est là cependant, je l'entends qui respire ;
Mais, pendule éternel que sa puissance attire,
Je passe et je repasse et tâte l'ombre en vain.

Ne pourrai-je allonger cette corde flottante,
Ni remonter au jour dont la gaîté me tente ?
Et dois-je dans l'horreur me balancer sans fin ?

— Sully Prudhomme,
Les Épreuves

Du même auteur

Les Poèmes de Sully Prudhomme de A à Z

Alphabet papillon: lettre l

}