Éternels Éclairs


La grande chartreuse

J’ai vu, tels que des morts réveillés par le glas,
Les moines, lampe en main, se ranger en silence,
Puis pousser, comme un vol de corbeaux qui s’élance,
Leurs noirs miserere qui plaisent au coeur las.

Le néant dans le cloître a sonné sous mes pas ;
J’ai connu la cellule, où le calme commence,
D’où le monde nous semble une mêlée immense
Dont le vain dénouement ne nous regarde pas.

La blancheur des grands murs m’a hanté comme un rêve ;
J’ai senti dans ma vie une ineffable trêve :
L’avant-goût du sépulcre a réjoui mes os.

Mais, adieu ! Le soldat court où le canon gronde :
Je retourne où j’entends la bataille du monde,
Sans pitié pour mon coeur affamé de repos.

— Sully Prudhomme,
Les solitudes

Du même auteur

Les Poèmes de Sully Prudhomme de A à Z

Alphabet papillon: lettre l

}