La Lutte
Ne sauras-tu Jamais, misérable poète,
Vaincre la lâcheté du rêve et des amours,
Au vent du sort contraire accoutumer ta tête,
Comme tous les vivants lutter dans la tempête,
Ou te croiser les bras sans crier au secours ?
À droite, à gauche, vois ! sur la mer où nous sommes
Chacun risque sa voile et jette son appui ;
Nul ne sait d'où tu viens ni comment tu te nommes,
Frère ! ne cherche pas dans l'océan des hommes,
Comme un nageur tremblant, les épaules d'autrui ;
Et ne t'indigne pas de leur indifférence :
Hélas ! ils ont chacun leurs membres à nourrir ;
Chacun répond au cri de sa propre souffrance ;
Il n'est qu'un bien commun, la divine espérance,
Le reste est la curée : il faut mordre ou mourir.
Songe que l'homme est nu, la terre très avare,
Et fatal ce combat des fougueux appétits !
L'or n'est pas le doux lait que le sein nous prépare :
Le plus prompt s'en saisit, le plus fort s'en empare,
Il roule puissamment sous les ongles hardis.
Pendant que cette foule au grand marché s'écrase,
Tu n'entends ni sa voix ni le bruit de ses pas ;
Tu la laisses courir, et ton âme en extase,
Immobile et profonde, exhale comme un vase
Un parfum qui t'enivre et ne te soutient pas.
Allons, frère, debout ! s'il en est temps encore ;
Fais-toi ta pacotille, achète, et revends cher,
Crie avec les marchands dans le temple sonore :
La fortune se rit de l'homme qui l'implore,
Et l'homme qui s'en plaint fustige en vain la mer.
Si la vie à tes yeux ne vaut pas cette épreuve,
Je ne t'en puis blâmer, mais épouse ton sort ;
Fais comme Ophélia : ceins ta tunique neuve,
Orne ton front, souris, et glisse au gré du fleuve
Vers Dieu, vers l'infini, dans l'oubli de la mort !
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