Éternels Éclairs


Gordes, j’ai en horreur un vieillard vicieux

Gordes, j’ai en horreur un vieillard vicieux
Qui l’aveugle appétit de la jeunesse imite,
Et jà foid par les ans de soi-même s’incite
À vivre délicat en repos otieux.

Mais je ne crains rien tant qu’un jeune ambitieux
Qui pour se faire grand contrefait de l’hermite,
Et voilant sa traïson d’un masque d’hypocrite,
Couve sous beau semblant un cœur malicieux.

Il n’est rien (ce dit-on en proverbe vulgaire)
Si sale qu’un vieux bouc, ni si prompt à mal faire
Comme est un jeune loup: et, pour le dire mieux,

Quand bien au naturel de tous deux je regarde,
Comme un fangeux pourceau l’un déplaît à mes yeux,
Comme d’un fin renard de l’autre je me garde.

— Joachim du Bellay,
Les Regrets

Du même auteur

Les Poèmes de Joachim du Bellay de A à Z

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