Quand je vais par la rue, où tant de peuple abonde
Quand je vais par la rue, où tant de peuple abonde,
De prêtres, de prélats, et de moines aussi,
De banquiers, d’artisans, et n’y voyant, ainsi
Qu’on voit dedans Paris, la femme vagabonde :
Pyrrhe, après le dégât de l’universelle onde,
Ses pierres (dis-je alors) ne sema point ici :
Et semble proprement, à voir ce peuple-ci,
Que Dieu n’y ait formé que la moitié du monde.
Car la dame romaine en gravité marchant,
Comme la conseillère ou femme du marchand
Ne s’y promène point, et n’y voit-on que celles
Qui se sont de la cour l’honnête nom donné :
Dont je crains quelquefois qu’en France retourné,
Autant que j’en verrai ne me ressemblent telles.
Ursin, quand j’oy nommer de ces vieux noms romains,
De ces beaux noms connus de l’Inde jusqu’au More,
Non les grands seulement, mais les moindres encore,
Voire ceux-là qui ont les ampoules aux mains :
Il me fâche d’ouïr appeler ces vilains
De ces noms tant fameux, que tout le monde honore:
Et sans le nom chrétien, le seul nom que j’adore,
Voudrais que de tels noms on appelât nos saints.
Le mien surtout me fâche, et me fâche un Guillaume,
Et mille autres sots noms communs en ce royaume,
Voyant tant de faquins indignement jouir
De ces beaux noms de Rome et de ceux de la Grèce :
Mais par sur tout, Ursin, il me fâche d’ouïr
Nommer une Thaïs du nom d’une Lucrèce.