Éternels Éclairs

Au-delà des soupirs

Je n’ai pu t’adresser un regard, un sourire, Tu es partie trop vite et sans me prévenir… Immense est mon regret. Je voudrais te le dire Au-delà du chagrin, au-delà des soupirs. Ta mort hante ma vie. Pour combler ton absence Sans cesse je remue de précieux souvenirs. Je trouve un réconfort en trompant ma souffrance Au-delà du chagrin, au-delà des soupirs. Mes plus tendres pensées vont vers toi dès l’aurore, Je t’appelle et te parle avant de m’endormir, Et bien étrangement ta voix me berce encore Au-delà du chagrin, au-delà des soupirs.

— Isabelle Callis-Sabot (né en 1958)
Non renseigné

Ça s’appelle nuit blanche Et pourtant L’obscurité est sur moi. À son enterrement Tout le monde pleurait Même le ciel. Elle ne pesait rien Mais lourdes à porter Sont ces cendres.

— Stéphen Moysan (né en 1979)
Non renseigné

Décembre

Le hibou parmi les décombres Hurle, et Décembre va finir ; Et le douloureux souvenir Sur ton coeur jette encor ses ombres. Le vol de ces jours que tu nombres, L’aurais-tu voulu retenir ? Combien seront, dans l’avenir, Brillants et purs ; et combien, sombres ? Laisse donc les ans s’épuiser. Que de larmes pour un baiser, Que d’épines pour une rose ! Le temps qui s’écoule fait bien ; Et mourir ne doit être rien, Puisque vivre est si peu de chose.

— François Coppée (1842-1908)
Les mois

Demain, dès l’aube

Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne, Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends. J’irai par la forêt, j’irai par la montagne. Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps. Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées, Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit, Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées, Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit. Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe, Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur, Et quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.

— Victor Hugo (1802-1885)
Les Contemplations

Elsa au miroir

C'était au beau milieu de notre tragédie Et pendant un long jour assise à son miroir Elle peignait ses cheveux d'or Je croyais voir Ses patientes mains calmer un incendie C'était au beau milieu de notre tragédie Et pendant un long jour assise à son miroir Elle peignait ses cheveux d'or et j'aurais dit C'était au beau milieu de notre tragédie Qu'elle jouait un air de harpe sans y croire Pendant tout ce long jour assise à son miroir Elle peignait ses cheveux d'or et j'aurais dit Qu'elle martyrisait à plaisir sa mémoire Pendant tout ce long jour assise à son miroir À ranimer les fleurs sans fin de l'incendie Sans dire ce qu'une autre à sa place aurait dit Elle martyrisait à plaisir sa mémoire C'était au beau milieu de notre tragédie Le monde ressemblait à ce miroir maudit Le peigne partageait les feux de cette moire Et ces feux éclairaient des coins de ma mémoire C'était un beau milieu de notre tragédie Comme dans la semaine est assis le jeudi Et pendant un long jour assise à sa mémoire Elle voyait au loin mourir dans son miroir Un à un les acteurs de notre tragédie Et qui sont les meilleurs de ce monde maudit Et vous savez leurs noms sans que je les aie dits Et ce que signifient les flammes des longs soirs Et ses cheveux dorés quand elle vient s'asseoir Et peigner sans rien dire un reflet d'incendie

— Louis Aragon (1897-1982)
Les Yeux d'Elsa

Je n’ai plus que les os

Je n’ai plus que les os, un squelette je semble, Décharné, dénervé, démusclé, dépulpé, Que le trait de la mort sans pardon a frappé, Je n’ose voir mes bras que de peur je ne tremble. Apollon et son fils, deux grands maîtres ensemble, Ne me sauraient guérir, leur métier m’a trompé ; Adieu, plaisant Soleil, mon oeil est étoupé, Mon corps s’en va descendre où tout se désassemble. Quel ami me voyant en ce point dépouillé Ne remporte au logis un oeil triste et mouillé, Me consolant au lit et me baisant le face, En essuyant mes yeux par la mort endormis ? Adieu, chers compagnons, adieu, mes chers amis, Je m’en vais le premier vous préparer la place.

— Pierre de Ronsard (1524-1585)
Derniers vers

Je suis juste de l’autre côté du chemin

La mort n’est rien, Je suis seulement passé, dans la pièce à côté. Je suis moi. Vous êtes vous. Ce que j’étais pour vous, je le suis toujours. Donnez-moi le nom que vous m’avez toujours donné, Parlez-moi comme vous l’avez toujours fait. N’employez pas un ton différent, ne prenez pas un air solennel ou triste. Continuez à rire de ce qui nous faisait rire ensemble. Priez, souriez, pensez à moi, priez pour moi. Que mon nom soit prononcé à la maison Comme il l’a toujours été, Sans emphase d’aucune sorte, Sans une trace d’ombre. La vie signifie tout ce qu’elle a toujours été. Le fil n’est pas coupé. Pourquoi serais-je hors de vos pensées, Simplement parce que je suis hors de votre vue ? Je ne suis pas loin, juste de l’autre côté du chemin. Vous voyez, tout est bien.

— Canon Henry Scott-Holland (1847-1918)
Traduction d'un extrait de The King of Terrors, sermon sur la mort 1910

L’Adieu

J’ai cueilli ce brin de bruyère L’automne est morte souviens-t’en Nous ne nous verrons plus sur terre Odeur du temps brin de bruyère Et souviens-toi que je t’attends

— Guillaume Apollinaire (1880-1918)
Alcools

L’Arbre et la graine

Quelqu’un meurt, et c’est comme des pas qui s’arrêtent. Mais si c’était un départ pour un nouveau voyage ? Quelqu’un meurt, et c’est comme un arbre qui tombe. Mais si c’était une graine germant dans une terre nouvelle ? Quelqu’un meurt, et c’est comme une porte qui claque. Mais si c’était un passage s’ouvrant sur d’autres paysages ? Quelqu’un meurt, et c’est comme un silence qui hurle. Mais s’il nous aidait à entendre la fragile musique de la vie ?

— Benoît Marchon(1950)
Non renseigné

L'aveu des larmes

Depuis ton départ En coup de vent Les journées plus froides. Te savoir sous terre Mais pour te voir Regarder les cieux. Cimetière en fleurs Et tout là-haut ton étoile – Larmes au coin des yeux.*

— Stéphen Moysan et * Sandrine Davin
Merci de citer également Sandrine Davin si vous diffusez ce poème
Spleen

La Mort des amants

Nous aurons des lits pleins d’odeurs légères, Des divans profonds comme des tombeaux, Et d’étranges fleurs sur des étagères, Écloses pour nous sous des cieux plus beaux. Usant à l’envie leurs chaleurs dernières, Nos deux cœurs seront deux vastes flambeaux, Qui réfléchiront leurs doubles lumières Dans nos deux esprits, ces miroirs jumeaux. Un soir fait de rose et de bleu mystique, Nous échangerons un éclair unique, Comme un long sanglot, tout chargé d’adieux ; Et plus tard un Ange, entr’ouvrant les portes, Viendra ranimer, fidèle et joyeux, Les miroirs ternis et les flammes mortes.

— Charles Baudelaire (1821-1867)
Les Fleurs du Mal

La mort des oiseaux

Le soir, au coin du feu, j’ai pensé bien des fois, A la mort d’un oiseau, quelque part, dans les bois, Pendant les tristes jours de l’hiver monotone Les pauvres nids déserts, les nids qu’on abandonne, Se balancent au vent sur le ciel gris de fer. Oh ! comme les oiseaux doivent mourir l’hiver ! Pourtant lorsque viendra le temps des violettes, Nous ne trouverons pas leurs délicats squelettes. Dans le gazon d’avril où nous irons courir. Est-ce que « les oiseaux se cachent pour mourir ? »

— François Coppée (1842-1908)
Promenades et intérieurs

Triste constat

À fuir le malheur On peut faire Le tour du monde. À mettre nos crimes Bout à bout On mesure les ténèbres. Même à reculons Ceux qui vivent Avancent vers la mort.

— Stéphen Moysan
En route vers l'horizon

Vieillesse commençante

C’est en vain aujourd’hui que le songe me leurre. Me voici face à face inexorablement Avec l’inévitable et terrible moment : Affrontant le miroir trop vrai, mon âme pleure. Tous les remèdes vains exaspèrent mon mal, Car nul ne me rendra la jeunesse ravie… J’ai trop porté le poids accablant de la vie Et sanglote aujourd’hui mon désespoir final. Hier, que m’importaient la lutte et l’effort rude ! Mais aujourd’hui l’angoisse a fait taire ma voix. Je sens mourir en moi mon âme d’autrefois, Et c’est la sombre horreur de la décrépitude !

— Renée Vivien (1877-1909)
Haillons
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