Éternels Éclairs

Ballade

Longue marche Sans que le ciel Ne bouge. Aller pieds nus Sur les rochers Un danger agréable. Au bord de l’eau Poussent des fleurs Sur les maillots de bain.

— Stéphen Moysan
En route vers l'Horizon

Ballade « Quand à peine un nuage »

Quand à peine un nuage, Flocon de laine, nage Dans les champs du ciel bleu, Et que la moisson mûre, Sans vagues ni murmure, Dort sous le ciel en feu ; Quand les couleuvres souples Se promènent par couples Dans les fossés taris ; Quand les grenouilles vertes, Par les roseaux couvertes, Troublent l’air de leurs cris ; Aux fentes des murailles Quand luisent les écailles Et les yeux du lézard, Et que les taupes fouillent Les prés, où s’agenouillent Les grands bœufs à l’écart, Qu’il fait bon ne rien faire, Libre de toute affaire, Libre de tous soucis, Et sur la mousse tendre Nonchalamment s’étendre, Ou demeurer assis ; Et suivre l’araignée, De lumière baignée, Allant au bout d’un fil À la branche d’un chêne Nouer la double chaîne De son réseau subtil, Ou le duvet qui flotte, Et qu’un souffle ballotte Comme un grand ouragan, Et la fourmi qui passe Dans l’herbe, et se ramasse Des vivres pour un an, Le papillon frivole, Qui de fleurs en fleurs vole Tel qu’un page galant, Le puceron qui grimpe À l’odorant olympe D’un brin d’herbe tremblant ; Et puis s’écouter vivre, Et feuilleter un livre, Et rêver au passé En évoquant les ombres, Ou riantes ou sombres, D’un long rêve effacé, Et battre la campagne, Et bâtir en Espagne De magiques châteaux, Créer un nouveau monde Et jeter à la ronde Pittoresques coteaux, Vastes amphithéâtres De montagnes bleuâtres, Mers aux lames d’azur, Villes monumentales, Splendeurs orientales, Ciel éclatant et pur, Jaillissantes cascades, Lumineuses arcades Du palais d’Obéron, Gigantesques portiques, Colonnades antiques, Manoir de vieux baron Avec sa châtelaine, Qui regarde la plaine Du sommet des donjons, Avec son nain difforme, Son pont-levis énorme, Ses fossés pleins de joncs, Et sa chapelle grise, Dont l’hirondelle frise Au printemps les vitraux, Ses mille cheminées De corbeaux couronnées, Et ses larges créneaux, Et sur les hallebardes Et les dagues des gardes Un éclair de soleil, Et dans la forêt sombre Lévriers eu grand nombre Et joyeux appareil, Chevaliers, damoiselles, Beaux habits, riches selles Et fringants palefrois, Varlets qui sur la hanche Ont un poignard au manche Taillé comme une croix ! Voici le cerf rapide, Et la meute intrépide ! Hallali, hallali ! Les cors bruyants résonnent, Les pieds des chevaux tonnent, Et le cerf affaibli Sort de l’étang qu’il trouble ; L’ardeur des chiens redouble : Il chancelle, il s’abat. Pauvre cerf ! son corps saigne, La sueur à flots baigne Son flanc meurtri qui bat ; Son œil plein de sang roule Une larme, qui coule Sans toucher ses vainqueurs ; Ses membres froids s’allongent ; Et dans son col se plongent Les couteaux des piqueurs. Et lorsque de ce rêve Qui jamais ne s’achève Mon esprit est lassé, J’écoute de la source Arrêtée en sa course Gémir le flot glacé, Gazouiller la fauvette Et chanter l’alouette Au milieu d’un ciel pur ; Puis je m’endors tranquille Sous l’ondoyant asile De quelque ombrage obscur.

— Théophile Gautier (1811-1872)
Premières Poésies

Début de l’été

Fatigués du métro Ils s’entassent Sur la plage. Le chant des sirènes N’attire Que des naufragés. Une foule allongée En code barre Le prix des vacances.

— Stéphen Moysan
En route vers l'Horizon

Été : être pour quelques jours

Été : être pour quelques jours le contemporain des roses ; respirer ce qui flotte autour de leurs âmes écloses. Faire de chacune qui se meurt une confidente, et survivre à cette soeur en d'autres roses absente.

— Rainer Maria Rilke (1875-1926)
Les roses

Far-niente

Quand je n’ai rien à faire, et qu’à peine un nuage Dans les champs bleus du ciel, flocon de laine, nage, J’aime à m’écouter vivre, et, libre de soucis, Loin des chemins poudreux, à demeurer assis Sur un moelleux tapis de fougère et de mousse, Au bord des bois touffus où la chaleur s’émousse. Là, pour tuer le temps, j’observe la fourmi Qui, pensant au retour de l’hiver ennemi, Pour son grenier dérobe un grain d’orge à la gerbe, Le puceron qui grimpe et se pende au brin d’herbe, La chenille traînant ses anneaux veloutés, La limace baveuse aux sillons argentés, Et le frais papillon qui de fleurs en fleurs vole. Ensuite je regarde, amusement frivole, La lumière brisant dans chacun de mes cils, Palissade opposée à ses rayons subtils, Les sept couleurs du prisme, ou le duvet qui flotte En l’air, comme sur l’onde un vaisseau sans pilote ; Et lorsque je suis las je me laisse endormir, Au murmure de l’eau qu’un caillou fait gémir, Ou j’écoute chanter près de moi la fauvette, Et là-haut dans l’azur gazouiller l’alouette.

— Théophile Gautier (1811-1872)
Premières Poésies

Fête nationale

14 juillet - Les moustiques aussi Font la fête. Feux d’artifices - Le temps d’un baiser, Des cris de joie. Et, fin du spectacle Dans le ciel La beauté des étoiles.

— Stéphen Moysan
J'écris mes silences

L’Été

Il brille, le sauvage Été, La poitrine pleine de roses. Il brûle tout, hommes et choses, Dans sa placide cruauté. Il met le désir effronté Sur les jeunes lèvres décloses ; Il brille, le sauvage Été, La poitrine pleine de roses. Roi superbe, il plane irrité Dans des splendeurs d’apothéoses Sur les horizons grandioses ; Fauve dans la blanche clarté, Il brille, le sauvage Été.

— Théodore de Banville (1823-1891)
Les cariatides

Nuits de juin

L’été, lorsque le jour a fui, de fleurs couverte La plaine verse au loin un parfum enivrant ; Les yeux fermés, l’oreille aux rumeurs entrouverte, On ne dort qu’à demi d’un sommeil transparent. Les astres sont plus purs, l’ombre paraît meilleure ; Un vague demi-jour teint le dôme éternel ; Et l’aube douce et pâle, en attendant son heure, Semble toute la nuit errer au bas du ciel.

— Victor Hugo (1802-1885)
Les rayons et les ombres

Petite pluie d’été

Petite pluie d’été, Petite pluie que j’aime Tombe sur les ramiers, Tombe sur les troènes, Tombe sur les brebis Rentrant du pâturage, Tombe sur moi aussi Qui lui tends mon visage. Puis elle prend la nuit Doucement par la manche Et doucement se penche Sur la route qui luit. Petite pluie que j’aime Petite pluie d’amour Efface les troènes, Les ramiers, le grand jour, Efface les brebis, Efface les visages Et laisse le village Entrer seul dans la nuit.

— Maurice Carême (1899-1978)
À l'ami Carême

Sensation

Par les soirs bleus d’été, j’irai dans les sentiers, Picoté par les blés, fouler l’herbe menue : Rêveur, j’en sentirai la fraîcheur à mes pieds. Je laisserai le vent baigner ma tête nue. Je ne parlerai pas, je ne penserai rien : Mais l’amour infini me montera dans l’âme, Et j’irai loin, bien loin, comme un bohémien, Par la Nature, – heureux comme avec une femme.

— Arthur Rimbaud (1854-1891)
Poésies

Vacances

Tiède est le vent Chaud est le temps Fraîche est ta peau Doux, le moment Blanc est le pain Bleu est le ciel Rouge est le vin D’or est le miel Odeurs de mer Embruns, senteurs Parfums de terre D’algues, de fleurs Gai est ton rire Plaisant ton teint Bons, les chemins Pour nous conduire Lumière sans voile Jours à chanter Millions d’étoiles Nuits à danser Légers, nos dires Claires, nos voix Lourd, le désir Pesants, nos bras Tiède est le vent Chaud est le temps Fraîche est ta peau Doux, le moment Doux le moment… Doux le moment…

— Esther Granek (1927-2016)
Ballades et réflexions à ma façon

Voici que la saison décline

Voici que la saison décline, L’ombre grandit, l’azur décroît, Le vent fraîchit sur la colline, L’oiseau frissonne, l’herbe a froid. Août contre septembre lutte ; L’océan n’a plus d’alcyon ; Chaque jour perd une minute, Chaque aurore pleure un rayon. La mouche, comme prise au piège, Est immobile à mon plafond ; Et comme un blanc flocon de neige, Petit à petit, l’été fond.

— Victor Hugo (1802-1885)
Dernière gerbe
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