Éternels Éclairs


Toute la vie d'un coeur - 1833

Puisque le gai printemps revient danser et rire,
Puisque le doux Horace et que le doux Zéphyr
M'attendent au milieu des prés et des buissons,
L'un avec des parfums, l'autre avec des chansons,
Puisque la terre en fleurs semble un tapis de Perse,
Puisque le vent murmure et dans l'azur disperse
La brume et la nuée en flottants archipels,
Il me plaît de répondre à ces profonds appels,
Il me plaît de rôder dans les molles prairies,
Entraînant avec moi l'essaim des rêveries
Et la strophe qui vole au-dessus de mon front.
Tant que sous le ciel bleu les âmes aimeront,
Tant qu'avril, ce brodeur, avec l'herbe et les roses
Et les feuilles, créera toutes sortes de choses
Charmantes, et que Dieu, des monts, des airs, des eaux,
Fera de grands palais pour les petits oiseaux,
Tant que l'aube éclora dans cette ombre où nous sommes,
Les songes tourneront sur la tête des hommes,
Et les penseurs seront attendris dans les bois.
Les frais halliers sont pleins de pudeurs aux abois,
Femmes, oiseaux, tout cède et les baisers se mêlent,
Les adorations vaguement se querellent,
L'eau soupire, le lys s'ouvre, le firmament
Rayonne, et, si tu veux, je serai ton amant.

— Victor Hugo,
Toute la lyre

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